Alexis Carrel – Révolte contre le monde moderne

Extraits d’Arthur Sapaudia, Alexis Carrel – Morceaux Choisis


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L’Homme, cet inconnu, 1935

On dirait que la civilisation moderne est incapable de produire une élite douée à la fois d’imagination, d’intelligence et de courage. Dans presque tous les pays, il y a une diminution du calibre intellectuel et moral chez ceux qui portent la responsabilité de la direction des affaires politiques, économiques et sociales. 


La plupart des hommes civilisés ne manifestent qu’une forme rudimentaire de conscience. Ils sont capables du travail facile qui, dans la société moderne, assure la survie de l’individu. Ils produisent, ils consomment, ils satisfont leurs appétits physiologiques. Ils prennent également plaisir à assister en grandes foules aux spectacles sportifs, à contempler des films cinématographiques grossiers et puérils, à se mouvoir rapidement sans effort, ou à regarder un objet qui se meut rapidement.

Ils sont mous, émotifs, lâches, lascifs et violents. Ils n’ont ni sens moral, ni sens esthétique, ni sens religieux.


Il est certain que les habitants de la Cité nouvelle présentent une grande uniformité dans leur faiblesse morale et intellectuelle. La plupart des individus sont construits sur le même type. Un mélange de nervosisme et d’apathie, de vanité et de manque de confiance en soi même, de force musculaire et de non-résistance à la fatigue. Des tendances génésiques, à la fois irrésistibles et peu violentes, parfois homosexuelles.

Cet état est dû à de graves désordres dans la formation de la personnalité. Il n’est pas seulement une attitude d’esprit, une mode qui peut facilement changer. Il est l’expression, soit d’une dégénérescence de la race, soit du développement défectueux des individus, soit de ces deux phénomènes.


Réflexions sur la conduite de la vie, 1950

Pour nos ancêtres du moyen âge, l’existence terrestre n’était que la préparation à une existence extra spatiale et extra temporelle où chacun devait être traité suivant ses mérites. Le but de la vie se trouvait ainsi situé au-delà de la mort. Il a été ramené en deçà d’elle par les modernes.

Aujourd’hui, la plupart d’entre eux le placent dans l’obtention des avantages matériels et intellectuels que la société peut leur procurer avec l’aide de la science et de la technologie. C’est une étrange faiblesse du libéralisme démocratique d’enseigner que la vie est sans but fixé par la nature des choses ; sans but autre que la satisfaction de nos besoins corporels et intellectuels. (…)

Le plus grand nombre des hommes ne peuvent pas élever leur esprit au-dessus des préoccupations matérielles de l’existence. Qu’ils travaillent dans les usines, les champs ou les bureaux, ils ont, comme les animaux domestiques, une vie réduite et incomplète. L’insécurité de leur emploi, l’humilité de leur condition, la saleté et l’insuffisance de leur logement, leur déficience morale et leur ignorance les mènent à une conception étriquée de l’objectif de la vie : manger, boire, dormir, faire des sports, danser, s’amuser de toutes les façons possibles.

Même ceux qui habitent les campagnes sont devenus incapables d’apprécier la grandeur du ciel, la gloire de la lumière, la beauté des orages, la sérénité des plantes, des fleurs et des arbres. Et les innombrables chapelles où s’exprimaient jadis les aspirations les plus profondes du peuple de France, tombent en ruine au milieu des champs, en même temps que l’amour, la force et la joie agonisent dans notre âme.


Les hommes ne se rendent nullement compte de la signification des événements qui bouleversent la civilisation ; pendant que le monde s’écroule autour d’eux et en eux, ils songent surtout à obtenir des aliments, du vin et du tabac. Ils sont enfermés en eux-mêmes comme des convicts dans un pénitencier, et leurs chances d’évasion sont bien minimes.

Cependant il existe, surtout parmi les individus plus âgés, d’autres types plus alertes, plus ouverts, plus instruits ; en particulier ceux qui entrevoient la vérité, qui distinguent le bien du mal, mais qui ne se décident ni pour l’un ni pour l’autre. Comme les anges, ni fidèles ni rebelles à Dieu rencontrés par Dante dans le premier cercle de l’enfer, ils restent neutres. À la vérité, ils sont des atrophiés moraux ; ils font aussi partie de la classe des sous-hommes. Ces individus sont incapables de se conduire de façon rationnelle. Ils n’ont pas assez d’intelligence et de courage pour se soumettre aux lois de la vie.



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