
Il y a beaucoup à redire à ce « droit de réponse » de Crayon Flingueur. D’abord que ce n’en est pas un, puisque celui-ci n’est pas mis en cause dans l’entretien. En revanche, ceci est un véritable « droit de réponse » puisqu’il met en cause ma probité (déjà dans son tweet à la parution de mon entretien) ou prend un ton hautain. Bref, il est impossible de répondre de façon exhaustive à la compilation de Crayon Flingueur. Manifestement, certaines connaissances sont étalées mais insuffisamment assimilées, donc mal agencées. Et un inventaire n’ayant jamais fait une bonne histoire, impossible de tout reprendre. Dès lors, afin de rester digeste, ma réponse ne cherchera pas tant à mettre des références (l’entretien initial en fourmillant) mais plutôt à démontrer la nullité logique derrière ce fatras dont les gnostiques sont friands, soit pour dissimuler leurs intentions lorsqu’ils « draguent », soit quand ils sont sincèrement égarés et n’ont pas atteint un certain degré. Ce qui semble le cas ici. Pour la compréhension, lorsque je mets (point 1) cela concerne le premier point de son « droit de réponse » et si j’indique (note 18) cela renvoie à la note 18 de mon entretien.
Selon ce Crayon Flingueur, ce serait donc ma « tournure d’esprit », liée à mon passé maçonnique qui m’aurait amené à mettre René Guénon, Julius Évola et la franc-maçonnerie dans le même camp (point 1). Or, son insinuation associant les propos de Pierre Hillard sur la tournure d’esprit viciée de certains « dissidents » est non seulement fallacieuse mais en plus, dans celle-ci, Crayon Flingueur s’emmêle complètement les pinceaux. En effet, ce sont précisément les positions pro Gnose, Guénon et Évola et non les miennes que Pierre Hillard dénonce dans ses interventions sur ladite Tradition primordiale !
Au contraire, le vice aurait été de ne pas tirer complètement la chasse. Ce que j’ai fait en 2013, suite à la vidéo Aux sources du mondialisme ramenant les méfaits du mondialisme à ses sources (noachites pour faire court). Dès lors, si j’alerte depuis sur cette posture contradictoire au sein de la dissidence, c’est bel et bien parce que j’ai suivi les recommandations de René Guénon quant à l’initiation effective valablement dispensée en Occident dans les organisations compagnonnique et maçonnique. En effet, en dépit de leur dégénérescence (note 18) celles-ci conservent à ses yeux le dépôt intact de cette « influence spirituelle » inébranlable et indépendante de la perte du sens des symboles à laquelle se greffent divers égrégores eux-relatifs aux grades et qualités des participants, cette Baraka dixit Guénon est toujours présente en maçonnerie, qu’elle soit comprise ou non par les maçons contemporains. Pour expliquer cela, on dit d’ailleurs que « ce sont les ânes qui transportent les reliques ».
Et puis si le dépôt initiatique y était complètement artificiel et inopérant, comment expliquer qu’à la fin de sa vie Guénon indiquait certains points symboliques et rituels dans sa correspondance avec les fondateurs de la loge La Grande Triade ? Fondateur dont le fameux Michel Dumesnil de Gramont à aussi l’origine de l’annulation des lois antimaçonniques du Maréchal Pétain (note 14) rappelant l’anti-catholicisme réel de Guénon lorsqu’il se lâchait dans un périodique maçonnique (note 16) vantant les bienfaits de la Révolution ?
Dès lors, quand Crayon Flingueur dit que Guénon admet que le catholicisme est l’ennemi de la maçonnerie moderne mais pas celui des Rose-Croix qui l’ont pourtant explicitement formulé, c’est aussi imaginer que l’essence luciférienne (donc à la fois angélique et déchue) est chose nouvelle. Or, toute gnose (ou ésotérisme) découlant de cette tradition ouroborique prétendue primordiale, elle est évidemment présente dans l’initiation olympienne ! En prenant celle-ci comme un modèle, Crayon Flingueur cherche t-il à légitimer le culte de Demeter ou les Mystères d’Eleusis et leurs sacrifices en pagaille ? Il n’y a évidemment pas de « bonne initiation » pas plus que de bons secrets, qui n’ont rien de mystérieux et ne requièrent que la compromission parce qu’indicibles quand les mystères, eux, pris dans leur acception catholique, sont au contraire inaccessibles à la raison mais sont toujours énoncés dans leur intégralité et invariables. Et c’est aussi là la raison des dogmes, véritables digues contre les esprits gyrovagues ou perméables à l’ésotérisme. Pareil, sur la sanctificatio (point 2) il s’agit d’une conversion par la sanctification et non d’une soi-disant divinisation de l’homme comme les gnostiques le prétendent.
Pour revenir à l’ingénieuse polarisation destinée aux « profanes » hostiles à la maçonnerie (note 7) elle est aussi utile pour dissiper tout éventuel doute de maçons en deçà de certains degrés, précisément le 18ème au Rite Écossais Ancien et Accepté précisément intitulé « Chevalier Rose-Croix » ; les Rose-Croix ayant juré de détruire tous les autels et trônes d’Europe (1614) ! Ce que Guénon omet aussi de rappeler (et Crayon Flingueur aussi) au même titre que leur lourianisme et frankisme patentés (note 20). Quant à parler d’infiltration lourianique comme si étrangère aux Rose-Croix, celle-ci remontant au « retour » de Christian Rosencreutz (XVème siècle) elle faisait déjà corps avec ceux regrettés par Guénon et disparus après 1648 (note 19). Par ailleurs, cette ingénieuse polarisation entre « bonne » initiation et « contre-initiation » est doublée d’une ingénieuse sélection ; les maçons refusant les sacrilèges du « test » du 18ème degré du REAA seront félicités mais n’iront jamais au-delà. Ils resteront de braves Jedis sans avoir eu l’impression d’avoir été éprouvés. Pour les autres, la maçonnerie les récompensera d’avoir mis fin à leurs « superstitions » et deviendra explicite, une fois le tamis passé, quant à ses ennemis de toujours hérités des Rose-Croix : l’Église et la royauté.
Enfin, puisque Crayon Flingueur me met en cause personnellement bien qu’il prévienne du contraire (nul besoin si son ton fielleux ne le trahissait pas) si j’ai dit m’être rendu compte des méfaits de la maçonnerie en 2013 à travers les desseins mondialistes exposés par Pierre Hillard, c’est avant et « de l’intérieur » (et en parallèle avec un 30ème fin connaisseur des domaines occultes qui m’a pris sous son aile) que j’ai constaté de cette porosité entre ces « bonne » et mauvaise Gnose (« religion » officielle de la maçonnerie). Mais voilà, ayant toujours été dans des loges dites traditionalistes et non progressistes, je croyais au discours guénonien depuis 1995 évacuant la responsabilité gnostique dans le mondialisme qui ne m’intéressait alors pas. En marge des arcanes maçonniques, j’étais par ailleurs « formé » par le dernier élève (ce 30ème) de Edmond Locard, père de la criminalistique et des empreintes digitales (que lui a chipées Edgar Hoover) était d’autant plus grisant qu’outre les petits avantages que m’apportait mon nouvel apprentissage, Locard choisissant lui-même ses élèves en fonction de critères occultes habillés de morphopsychologie. Pour le dire autrement, ce n’est que lorsque j’ai compris que mes enfants pâtiront des conséquences mondialistes et donc de mon nombrilisme d’initié, que j’ai décidé de tout arrêter. Pour autant, à la différence de nombreux guénoniens profanes tel Crayon Flingueur qui parlent de choses de façon théorique (et fumeuse) en ne comprenant pas les subtilités du discours guénonien sur la maçonnerie, j’ai non seulement la cohérence de la mise en pratique mais aussi été choisi.
Ainsi, quand Crayon Flingueur assure (point 11) qu’un auteur tel Étienne Couvert ignore que le bouddhisme avait un versant initiatique, c’est d’autant plus faux que Couvert établit justement la filiation entre manichéisme et bouddhisme, manichéisme qu’il ne cesse de décrire dans ses livres comme gnostique, donc initiatique ! Quant à la question de datation, Crayon Flingueur inverse aussi le sens collégial de la doxa maçonnique qui interdit toute remise en cause des travaux d’Eugène Burnouf (anticlérical notoire) sur le bouddhisme. D’ailleurs, anecdote amusante à propos du bouddhisme auquel Guénon étant réticent quant à son caractère traditionnel, c’est son ami Ananda Coomaraswamy qui a amené Guénon à revenir sur ses positions, Coomaraswamy lui-même ami d’Aleister Crowley au point de lui prêter sa femme Ratan Devi. Ce que relate leur fils Rama, élevé dans la tradition hindoue mais qui après la mort de son père, se convertit au catholicisme.
Quant à l’utopie sur le réel, le mot réel est à prendre dans le sens de concret (territoire) à l’instar d’éléments factuels (initiation antique sacrificielle) qui déboîtent les fantasmes visiblement non vécus de Crayon Flingueur, comme en témoignent ses illustrations mêlant serpent, « Soleil noir » et divinité grecque (point 6). Quant à la foi, si nous sommes tous d’accord pour dire qu’elle se vit, je constate que beaucoup d’adeptes théoriques de la Gnose, comme Crayon Flingueur, refusent de la vivre. Si la maçonnerie n’est pas à son goût, pourquoi n’a-t-il pas entamé une initiation soufie, tantrique ou, s’il cherche un vernis « chrétien » ne se dirige t-il pas vers le martinisme ?
Bref. Il y aurait encore beaucoup d’autres choses à rectifier. Beaucoup, mais la vie est courte et il y a objectivement suffisamment matière à voir le niveau malgré ses prétéritions aussi pédantes que gratuites type « Il nous semble inutile de commenter l’érudition de Monsieur Ovitch concernant la gnose… » qui ne répondent à rien sinon faire diversion sur ses prétentions (à prendre au sens guénonien pré-tendre c’est-à-dire avant réalisation) ne pouvant défendre quelque initiation de façon crédible, faute de l’avoir reçue et encore moins chevauchée, et s’octroyer quelque « droit de réponse » sur quelque chose qui ne connaît pas et que René Guénon répète attendre de ses lecteurs.
En effet, comme le rappelle Palingenius, l’initiation suit le même pattern (telles deuxième et troisième naissances) quelque soit ses modalités. C’est toujours la même « magie » qui opère (lumière luciférienne) indépendamment de la prise de conscience de l’adepte ou encore de la qualité de ses upa-guru ou de ses surveillants. Que l’initiation soit hindoue (Tamas et Raja, Sattva), maritime (quille, navire et mât) ou maçonnique (cabinet sous loge, horizons, élévation à la maîtrise) elle commence toujours par le bas, l’obscurité et le silence. Première chose que Crayon Flingueur devrait entreprendre s’il veut persévérer dans cette voie. Après cet apprentissage – par lequel tous les gnostiques qu’il cite sont passés – je serai heureux de lire ses progrès pour lui expliquer où sont les « douilles », les « interstices » en « langage janusien » (tromper sans mentir) car pour l’instant, quand bien même l’adoption de sa tonalité péremptoire dépeignant les carences des catholiques les empêchant d’accéder aux « vérités supérieures » réservées à ceux suivant l’initiation (dont il se dispense !) cette (im)posture trahit un esprit plus (non) parvenu qu’élitaire. Et puis les vérités « prétéritées » sont trop approximatives, voire fantasmées (je ne parle pas de dessins) pour faire autorité : donc frivoles.
Pour le sérieux, et ceux qui souhaitent véritablement comprendre la ruse qui se niche derrière la « légende du Graal » – le Royaume du Prêtre-Jean étant une forme de prototype de Shambhala et de l’Agartha – ou encore l’héritage artificiel dont se prête la franc-maçonnerie sur les bâtisseurs de cathédrale, le mieux est de se reporter aux travaux de Karl van der Eyken, ex vénérable maître de cette fameuse loge guénonienne la Grande Triade (que vous citez dans l’Abécédaire du Nouvel Ordre Mondial pages 193-194) et qui a écrit une quinzaine d’articles quant à René Guénon, la maçonnerie et l’initiation accessibles sur Noaches. La plupart y viendra, et le plus tôt sera le mieux.
Gregor Ovitch
PS : rédigeant mon propos le jour même (11/9) du « droit de réponse » de Crayon Flingueur afin de ne plus y revenir. Si Crayon Flingueur souhaite poursuivre le débat, qu’il le fasse donc savoir à Pierre Hillard qualifiant encore hier (13/9) les Templiers de « Goldman Sachs de l’époque » que c’est « chose risible » (point 4). Satanées coïncidences…