En Réaction #11 – P.A. des Crayons Flingueurs

En réaction, c’est un nouveau format d’entretien qui fait réagir mon intervenant aux citations que je lui propose.

Réaction inconditionnellement libre !

Pierre-Arthur, tu t’étais déjà illustré ici lors d’un précédent entretien assez sportif. Remettons donc le couvert !

1ère citation :

Ainsi, dis-je avec ironie, on en est arrivé à des doctrines du surhomme et de l’adeptat professées dans des milieux de femmes hors d’usage et de demi-hommes, retraités humanitaristes et végétariens pour ne pas parler de l’autre direction, celle de l’américanisation du yoga et des méthodes « occultes », réduits à des moyens pour devenir des « caractères dominateurs », pour soigner sa santé, pour s’assurer la voie du succès et ainsi de suite. Tous ces sous-produits, bien évidemment, ne se trouvent pas au-dessus, mais au-dessous d’une religion positive régulière.           

 Julius Evola, Le chemin du Cinabre (1983)  

On démarre sur les chapeaux de roues! Comme toujours, Evola remet les points sur les « i », avec sa finesse et sa précision.

On pourrait dire qu’il ne faut pas confondre la nature « ontologique » d’une chose, d’une Tradition, d’une ascèse, d’un savoir initiatique avec ce qu’en font les hommes après, et toutes les déviances liées à leur « équation personnelle », leurs « ambitions » ou tout simplement liées aux « signes des temps ».

Pour paraphraser Alain Soral, il ne faut pas non plus confondre « l’être individuel » avec « l’être collectif ». Peut-être a été abandonné, l’idéal d’un « voir » ou d’un connaître direct, portant sur l’essence de la réalité, avec un caractère « noétique » objectif, ce qu’on appelait « l’intuitio intellectualis ».

Pourtant pour Kant, l’intuition intellectuelle est considérée comme la faculté de saisir la « chose en soi » (Le « noumène ») !… Mais il semble que la scolastique ait tout verrouillé, et n’ait gardé que la simple connaissance sensorielle et le savoir scientifique, abstrait, où on montre le caractère, non intuitif, du « comment » réagissent les forces de la nature, et jamais ce qu’elles « sont »….

Revenons à la citation, et prenons de « frais » exemples: ce n’est pas parce que Aleister Crowley s’est intéressé au Yoga tantrique, que par nature, le Yoga tantrique est « satanique ». Ce mot est galvaudé et il conviendrait d’ailleurs de le définir.

Le « Satanisme » est a priori : une action qui renverse une Tradition et qui cherche à l’ « avilir » … Donc une « Messe Noire », ne peut être faite que par un prêtre déjà ordonné selon les rites de l’Eglise, d’où les histoires de sacrifices d’enfants, dont les descriptions « graphiques » pullulent depuis Gilles de Rais, depuis les récits de l’Ancien Testament, jusqu’à aujourd’hui (J’invite les lecteurs à s’intéresser au cas Ronald Bernard, et son témoignage, que l’on peut toujours trouver sur Youtube.


Allons plus loin : ce n’est pas parce que Alexandre Douguine dit : « la Kabbale est l’une des plus grande réalisation (« achèvement ») de l’esprit humain », qu’il faut en déduire que Douguine, par capillarité, est un adepte du satanisme « kabbalistico-anti-goyïms », et pratique tous les vendredis soirs, des rituels obscurs dans sa cave!

Si l’on s’en tient au fait que la Kabbale, pour Guénon, tout comme pour notre regretté pianiste Stéphane Blet, est un « outil », un enseignement ésotérique, qui s’étudie, ce qu’en font les kabbalistes, est une toute autre histoire ! Entre les branche des « zogaristes », des « sabbataïstes », des « franquistes », et des gnostiques chrétiens, il y a pléthore de subtilités, qui peuvent être étudiées avec curiosité!


Voilà où je veux en venir : Prenons un marteau, cet outil est bien pratique pour fixer une étagère, mais il peut tout aussi bien servir à démolir la tête de votre bourgeoise qui, derrière votre dos, vous dit que ce n’est pas comme ça qu’il faut faire!

Les catholiques traditionnels acceptent entièrement l’héritage de l’Ancien Testament. En quoi les propos de A.Douguine les choquent-ils? N’avons nous pas à faire, in-fine, à la même matrice? De plus, en quoi, de manière objective, est-ce un propos qui ferait pousser des cris d’orfraie? N’est-ce pas un moyen, assez brillant, pour nos ennemis de tout mettre sens dessus dessous?

On peut admirer la technique d’un ennemi. C’est d’ailleurs plus sage que de tout rejeter en bloc par aversion, sans essayer de comprendre la démarche d’un homme qui se qualifie lui-même comme : un « laboratoire d’idées ». D’ailleurs, l’attitude de rejet systématique est bien là une des armes de la « Guerre Occulte », qui fonctionne comme par « ricochet ».

Puisqu’on est avec Evola, on ne peut que recommander aux lecteurs de se procurer : « Phénoménologie de la subversion », ainsi que « Études sur la franc-maçonnerie ». Ils comprendront alors à quel point les choses s’éclairent, comment les forces de subversions ont retourné, la nature des enseignements qui avaient un fond bien spirituel et Traditionnel, avant de sombrer dans les réformes, puis les idéaux laïcs, faussement universels et démocratiques du début du XVIIIème siècle!

Enfin, confondre la « chose » en elle-même, avec ce qu’en font les hommes, là-dessus, on ne peut faire qu’un bilan très négatif de l’Église, en Occident, avec Vatican II, et son ouverture « à gauche », qui s’est bien éloignée des Évangiles et du message originel du Christ…


2ème citation :

Les ennemis de Thulé ont remplacé notre foi ancestrale par un rite étranger. Aujourd’hui, leur triomphe semble absolu. Les laïcs et les clercs parlent le même langage et célèbrent le même culte ; celui de la foule contre l’individu, celui de l’idéologie contre l’instinct, celui de l’égalité contre la lutte. On discute même la vie et l’on préfère le suicide au combat. S’affirmer soi-même, vouloir conserver son héritage et préserver sa culture est devenu le péché absolu. Ceux qui ne veulent pas du monde indifférencié sont marqués du sceau infamant des hérétiques. […]

Désormais, il nous faut revenir au mythe vital par excellence, au mythe du soleil, au mythe de Thulé. Ce qui va renaître n’est pas un souvenir historique mais la foi de l’éternelle Hyperborée. Nous retrouverons, dans la certitude et la fidélité, les gestes de nos ancêtres. Nous annoncerons à tous la bonne nouvelle du retour du soleil. Nous allumerons les flammes à nos foyers et dresserons les buchers sur les collines. Quand le destin de nos peuples se caricature dans la société mercantile et dans la foi égalitaire, nous refuserons la religion de la pleurnicherie et du reniement, pour retrouver la conscience de notre aventure et de notre unité.

Jean Mabire, Thulé, le soleil retrouvé des Hyperboréens (1978)

Intéressant ! Je dois avouer que je connais peu Jean Mabire. Ce que l’on peut retenir, c’est, que l’on se trouve:

  • soit du côté des matérialistes historiques sérieux -Hegel, Marx, Debord, Clouscard, Cousin, Soral, Niesche, etc-…
  • soit du côté des « spiritualistes », disons du monde « Traditionnel » dans toutes les acceptions du terme.

Tous les hommes de bonne volonté ont pointé du doigt l’ennemi prioritaire (au sens de Carl Schmitt) : l’épopée libérale, la « bête sauvage », le fétichisme de la marchandise, « Das Kapital », etc….

Rappelons nous ces magistrales lignes:

Partout où la bourgeoisie s’est saisie du pouvoir, elle a détruit toutes les conditions féodales, patriarcales, idylliques de l’existence sociale. Elle a impitoyablement rompu les liens féodaux complexes et variés qui liaient chaque homme aux hommes que la naissance mettait au-dessus de lui, et elle n’a pas voulu qu’il subsistât entre les hommes d’autre lien que l’intérêt tout nu, où le sentiment n’a point de part, et que les strictes exigences du paiement au comptant. Les frissons sacrés des pieuses ardeurs, des élans chevaleresques, de la sensibilité bourgeoise, elle les a noyés dans le flot glacé de l’égoïsme calculateur.

Karl Marx, Manifeste du Parti communiste

C’est ce qui est d’ailleurs très rassurant d’un point de vue humain, et porteur d’espoir politiquement.

Quant aux croyances des uns et des autres, qu’elles soient plus portées sur l’héritage « Indo-Européen» (pré-chrétien), ou sur le Christianisme (Traditionnel, comme Orthodoxe), je pense que la polémique peut être dépassée assez aisément.

« Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père », pour reprendre l’Évangile de Saint Jean…

Et puisqu’on parle de l’une des relations de l’Homme les plus intime et les plus profonde du « moi », avec le spirituel, on se demande parfois de quel magistère spirituel et moral se revendiquent certains pour dire: « là, vous vous trompez, vous êtes des ceci, cela, etc… »

Au moment où j’écris ces lignes, c’est l’anniversaire de la mort d’Emmanuel Ratier. Voilà une figure assez exceptionnelle, qui pouvait rallier des gens de tout bord, faire coexister des pensées bien éloignées les unes des autres et en tirer quelque chose! Voilà un véritable exemple pour nous !


On peut aussi s’intéresser à la symbolique « solaire » du Christ, et je conseille aux lecteurs, les magnifiques travaux de l’archéologue Louis Charbonneau-Lassay (grand ami de René Guénon) à ce sujet : beaucoup de symboles indo-européens, se chevauchent harmonieusement avec les symboles Chrétiens.

Je pense même que l’Europe du Moyen-âge avait trouvé sous de nombreuses formes, un idéal métaphysique assez parfait.


3ème citation :

Alors que tant d’hommes se font les esclaves de leur vie, mon geste incarne une éthique de la volonté. Je me donne la mort afin de réveiller les consciences assoupies. Je m’insurge contre la fatalité. Je m’insurge contre les poisons de l’âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire. Alors que je défends l’identité de tous les peuples chez eux, je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations. 

Dominique Venner « Les raisons d’une mort volontaire », dernière lettre, 21 mai 2013 

Alors là! C’est peut-être la plus dure des citations à laquelle il me faut répondre : la question du suicide. On sait ce qu’en pense le canon Catholique, que je ne blâmerai pas.

La « doctrine de l’éveil » originaire du bouddhisme (palî), qui a toujours été aristocratique, parle de la « droiture » : verticale qui est celle de la virilité et du feu, c’est-à-dire d’un style intérieur, d’une capacité à se maintenir de pied ferme, sans osciller, en éliminant toutes les tortuosités et tous les abandons.

Le suicide est acceptable, (toujours dans cette doctrine, qui d’ailleurs, sous cet aspect, se retrouvera bien plus développée par le Zen japonais, et la figure du « kamikaze »), à condition que la douleur dans le monde physique, soit telle qu’elle ravive des sensibilités, des « vertus », et renforce un état de calme, de transparence de l’esprit et de l’âme, d’équilibre et de « justice ».

On peut aussi s’intéresser au livre des morts Tibétains : le « Bardo-Thödol », lié aux expériences d’outre-tombe, et les possibilités qui s’offrent au « Moi », en activant une action destinée à suspendre le jeu karmique des causes et des effets et à faire réaliser éventuellement l’inconditionné. (Ceux qui s’y intéressent, peuvent consulter: « Le Yoga tantrique », et « La doctrine de l’Éveil » de J.Evola). Enfin s’intéresser aux personnes qui ont vécu une « IME » (expérience de mort imminente), dont les témoignages se recoupent assez spectaculairement.


Je ne peux pas juger le geste de Dominique Venner. Je suis pourtant persuadé que ses raisons et sa démarche étaient pures. Je respecte infiniment son dernier geste politique.

Dominique Venner défendait la « famille », son message me touche. Mon arrière grand-mère maternelle s’est donnée la mort avec le fusil de mon grand-père (donc son fils, ce qui est très fort symboliquement). J’ai lu la dernière lettre qu’elle lui avait adressée, juste avant son geste…

Le suicide est une porte de sortie, pour certains, même très lucides, quand la douleur est trop lourde… Qui peut dire ce qu’il s’y trouve après ce fameux passage? Un purgatoire? Une barque qui emmènera Hercule, Dante, et nos chers disparus dans le monde souterrain? Ou la Sainte Vierge Marie accompagnée de la Béatrice pour nous élever dans les plus hautes sphères de la création au côté du Christ?

Ce qu’il ne faut jamais oublier, à mon avis, c’est « l’Amour », dans son acception suprême, inconditionnée. Je suis de ces optimistes qui croient que la mort est le plus beau jour de la fin de notre vie…

Mais ne la hâtons pas. Chacun son destin, il y a encore beaucoup de choses à faire ici-bas.


Voici une sélection des dessins de P.A que vous pouvez également retrouver ici :







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