Christianisme, protestantisme, marcionisme, filiation avec le judaïsme…

Arthur Sapaudia : Bonjour Blondin. Après avoir fréquenté les églises protestantes vous avez fait demi-tour pour embrasser la foi catholique, et qui plus est traditionaliste. Pouvez-vous nous parler de votre parcours spirituel et de votre choix ?
Blondin : Bonjour. Vaste question ! …
Bref contexte : né dans les années 90 de parents catholiques non pratiquants, j’ai grandi en recevant quelques notions de morale chrétienne, pour ensuite abandonner la vie spirituelle vers 14-15 ans. Socialement : classe moyenne, quartier pavillonnaire, lycée semi-privé, parents divorcés, etc. Le retour, ou plutôt l’entrée, dans la vie chrétienne s’est opéré à 21 ans, d’abord par le milieu protestant, puis par une reconversion au catholicisme traditionnel.
Je constate que ce parcours n’est pas rare. Me concernant, je pourrais classer ainsi les principales raisons :
– Le besoin de vérité.
– Le rapport homme-femme.
– L’ordre social.
– Le combat spirituel.
Vérité
Assez avide de Science, j’ai rapidement contemplé le monde par son prisme en imaginant que tout phénomène s’expliquait par sa cause matérielle. Pourtant, je buttais sur une question simple : quel est le sens de l’existence ; où est le bonheur ? J’ai choisi de faire face à ce problème plutôt que de feindre l’ignorer. Mon approche était assez matérialiste ; je concevais le corps comme une sorte de machine, laquelle produit la sensation de bonheur lorsqu’elle est bien huilée. Je me demandais : de quoi ai-je besoins ? De respirer, boire, manger, dormir, …, peut-être un jour d’une femme, d’amis, d’une famille, etc. À mesure que l’on avance dans cette liste on voit une sorte de « hiérarchie des besoins » se dessiner. C’est ce qu’a décrit le juif Abraham Maslow ; on découvre que l’être humain progresse inexorablement, dans cette « pyramide », vers un besoin d’accomplissement spirituel. Je redécouvrais que l’homme avait besoin de croire ; non pas pour fuir le réel mais précisément pour agir sur celui-ci. Car l’action suppose un but, et c’est bien le domaine du spirituel que de donner une base à nos principes de vie, en définissant le but ultime de notre existence.
Remonter en sens inverse la causalité nous mène aussi à une impasse intéressante, tant en cosmologie qu’en philosophie : l’Univers à un début. Je veux dire, il est causé. Il faut bien que ce « Big bang » vienne de quelque part ; non ? C’est donc dans cette cause de toutes les causes, dans cette intelligence créatrice, qu’au fil des années je reconnus Dieu. Son existence me parait rigoureusement démontrable. Mais je ne crois pas que les méthodes scientifiques nous permettent d’en dire davantage à son sujet.
La conscience de soi est un problème du même ordre : comment, à partir la simple matière, mes pensées peuvent-elles émerger ? car je suis à la foi sujet et objet de ma propre introspection ! Les bases de ce qui mène à considérer l’existence de l’âme son ainsi posées, et je dois beaucoup à Otto Weininger (encore un juif !) d’avoir mis les mots là-dessus.
Je ne vais pas récapituler ici toute l’apologétique chrétienne… Disons que la Science et la Théologie se trouvaient tout à coup moins incompatibles que je ne l’aurais cru. Complémentaires même. On peut observer et décrire une cellule au microscope électronique autant que l’on veut, cela ne nous dira jamais rien ni sur sa raison d’être, ni sur son origine, ni sur sa fin ultime. Aujourd’hui je termine une thèse et je suis aux premières loges pour constater les inexactitudes, les fraudes, les contradictions, les confits d’intérêts, et toutes les autres limites de cette Science qu’on nous vend comme source de vérités.Comme le disait Louis Pasteur :
« Un peu de Science éloigne de Dieu, mais beaucoup y ramène. »
Du reste, la Foi chrétienne n’est pas, à proprement parler, démontrable. Je veux dire, Dieu existe et c’est une chose, mais il n’y a pas ensuite d’expérience scientifique que je puisse vous proposer, pour prouver que le Christ soit bien l’incarnation de ce Logos divin. Tout au plus peut-on montrer que cela est raisonnable, plausible ; et j’ai fait le choix d’y adhérer. Sur ce point les chemins sont divers et personnels ; je ne vais donc pas faire le moraliste. Mais il faut bien appuyer la vérité sur quelque chose…
Homme-Femme
Un jour ou l’autre, on se retrouve attiré par l’autre sexe. Mais la forme que doit prendre ce rapport entre les hommes et les femmes ne coule pas de source ! Je crois que ma première prise de conscience de la nécessité du mariage comme base de la famille, cellule élémentaire de toute société, s’est opérée par la lecture de J.D. Unwin ; génie trop méconnu de l’anthropologie. En ce qui concerne la psychologie des sexes, Otto Weininger est une lecture douloureuse, mais nécessaire. Toutefois, ce n’est que dans l’enseignement chrétien que j’ai su trouver une description satisfaisante des rôles complémentaires à attribuer à chacun des sexes, et à ce don mutuel de soi, qui doit caractériser leur union. Et que l’on ne s’y trompe pas : malgré les déclarations maladroites du Pape François, et la décadence de certains milieux protestants, la doctrine catholique traditionnelle ne saurait être plus claire ; rejet de l’homosexualité, de la débauche, de la pornographie, du féminisme, etc. Tant de maux qui accablent aujourd’hui notre jeunesse. Ainsi le mariage, à condition qu’il soit indissoluble, chrétien, et que les rôles assignés à chacun y soient respectés, m’est apparu comme une solution à la fois radicale et souhaitable, pour contrecarrer la déliquescence de nos mœurs. Aux grands maux les grands remèdes. Et comme tous les grands remèdes, le mariage impose des sacrifices préalables… Ainsi le faisait dialectiquement remarquer Soral, avec autant de tact que de justesse :
« À l’heure où tout le monde baise, c’est l’abstinence qui devient subversive. »
Ordre social
Dans les milieux nationalistes on critique volontiers le christianisme pour son « sémitisme », son côté « bisounours ». C’est tout à fait fondé. Mais selon moi cette influence judaïsante et cosmopolite du catholicisme moderne résulte de ce que Philippe Prévost résume dans son livre L’Eglise et le ralliement, qui décrit bien comment nous en sommes arrivés là ; l’Eglise est malheureusement toute pétrie des idées révolutionnaires et franc-maçonnes ; elle suit désormais le monde au lieu de le combattre ; je ne me fais pas d’illusions.
Mais évitons de confondre le christianisme avec sa caricature décrépie. Lorsqu’on prend la peine d’étudier la doctrine traditionnelle (Concile de Trente, Thomisme, etc.), le style est beaucoup moins « pédo-LGBT » … En fait le catholicisme est bien, si l’on pousse sa logique jusqu’au bout, une sorte de mondialisme. Mais celui-ci est respectueux des nations. L’Eglise (pouvoir spirituel) ne cherche pas à remplacer l’Etat ; elle ne prétend même pas dicter la forme d’un gouvernement (n’en déplaise aux royalistes). Elle donne simplement des principes politiques et cherche à ordonner l’action du gouvernement au bien commun et à la sanctification des âmes (dans le sens : un bon gouvernement doit être soucieux de créer les conditions qui permettent aux hommes de vivre dans le Bon, le Vrai, le Juste, etc.). Thomas d’Aquin est très éloquent à ce sujet.
Être catholique n’empêche donc pas d’être nationaliste, au contraire. On pourrait citer Garcia Moreno comme homme du 19e siècle, qui parvint au pouvoir en Equateur puis offrit à son pays les fruits que l’Eglise pouvait (à cet époque) donner. Au 20e siècle, l’Eglise condamna explicitement le communisme, et je déplore son ambivalence maladroite envers les doctrines fascistes, qui pourtant promouvaient un ordre social compatible avec le catholicisme (par ex. sous Mussolini, ou dans l’Espagne de Franco). On voit aussi les germes d’une fusion entre fascisme et catholicisme, dans des héros comme Léon Degrelle ; ou Codreanu, en Romanie, qui explore une voie intéressante, mais dont l’influence orthodoxe le rend peut-être un peu trop mystique. Aujourd’hui je pense que c’est de cette alliance dont nous avons besoin en Occident : catho-facho ; prendre ce qu’il y a de bon dans le fascisme, sur le plan politique, et l’allier aux enseignements traditionnels de l’Eglise catholique, pour ce qui relève de la foi et des principes moraux. C’est bien ce mélange difficile entre l’héroïsme fataliste païen et la vertu chrétienne qui fera renaître l’esprit chevaleresque.
Combat spirituel
Ici, ça sonnera peut-être égoïste, mais je veux simplement, comme le disait Soral, sauver mon âme. C’est-à-dire : je souhaite me donner une chance de mourir en paix avec ma conscience. Lorsque nos élites se retrouvent à trafiquer, violer, et sacrifier des enfants, c’est que notre problème ne se situe pas au niveau purement matériel. Il y a un combat d’ordre spirituel.
Alors il faut choisir son camp, c’est tout.
Que le reste du monde continue à applaudir des dindes et des homos à la télévision ça m’est égal ; je ne cherche pas à changer les gens. Et ça ne m’empêche pas d’éprouver du respect, ou tout au moins de la compassion, pour ceux qui n’adhèrent pas à ma vision du monde.
Pour les hommes qui aiment Dieu, je crois que le plan est simple. Il tient en quelques mots :
Prière et pénitence.
Honneur et fidélité.

AS : Pourquoi avoir quitté le protestantisme pour le catholicisme traditionaliste ?
B : Le « protestantisme » n’est pas, loin s’en faut, un milieu homogène. Les protestants sont à l’Eglise catholique ce que les antifas sont au fascisme : des personnes se définissant par la négation de quelque chose qu’ils connaissent mal. Ils n’amènent rien de « nouveau » à proprement parler.
Pour ma part je ne souhaitais qu’une chose : vivre la vie chrétienne, dans l’Eglise fondée par le Christ. Il avait deux possibilités :
– Soit Jésus a fondé une Eglise, dans le sens institutionnel du terme ; le cas échéant il s’agit de l’Eglise catholique, la seule (avec +/- l’Eglise Orthodoxe), dont l’histoire (ô combien tumultueuse) remonte jusqu’à la période apostolique.
– Soit Jésus a fondé une Eglise, au sens « spirituel » du terme (une sorte de « communauté invisible des hommes gentils ») ; le cas échéant, personne n’est en mesure d’en indiquer les délimitations, et je vois mal en quoi être catholique m’empêcherait d’en faire partie.
Après des mois de lecture, de méditation et de débat, on ne m’a pas présenté d’objection convaincante, et je suis revenu à la religion de mes ancêtres.
D’une manière générale, c’est cela que j’aime dans la philosophie catholique : les penseurs (en particuliers d’influence Thomiste) ont réellement la volonté d’être cohérents ; de dérouler leurs principes jusqu’au bout. On y trouve aussi un certain pragmatisme, et un intérêt pour les affaires humaines. La question politique est d’ailleurs souvent absente de la pensée protestante ; ils prétendent ne pas s’en mêler, mais vivent pourtant au milieu de notre société, votent, regardent la télé, etc.
En fait, beaucoup de protestants sont d’anciens catholiques désabusés. Et en cela je les comprends parfaitement ; et même chez les traditionnalistes, il y aurait beaucoup à apprendre sur l’hospitalité, la charité, la simplicité, l’évangélisation et toutes ces vertus quotidiennes qui semblent parfois bien oubliées derrière des façades bigotes. Mais à l’heure où il existe déjà plus de 30’000 dénominations « chrétiennes » différentes, je ne pense pas que créer ou développer des sectes supplémentaires nous apportera une solution… Qui parmi vous a-t-il l’ambition de créer une religion nouvelle ? Par quoi remplaceriez-vous le catholicisme qui a cimenté l’Europe ? Comme le souligne Hitler dans Mein Kampf :
« Les idées et les institutions religieuses de son peuple doivent rester toujours inviolables pour le chef politique ; sinon, qu’il cesse d’être un homme politique et qu’il devienne un réformateur, s’il en a l’étoffe ! Une autre attitude, en Allemagne surtout, doit conduire à une catastrophe. »

AS : Comprenez-vous que certaines personnes se disent marcioniste ou, en tout cas, pensent que Yahvé, le Dieu tribal de l’Ancien Testament, n’est pas et ne peux pas être le Dieu universel, c’est à dire Jésus Christ ?
B : Je confesse n’avoir pour l’heure fait que feuilleter les livres de Guyénot et Hindi à ce sujet. Je prendrai la peine de les lire en détail pour voir comment ils répondent aux objections catholiques.
Je suppose donc qu’ils savent ce que je vais dire, mais je le rappelle quand même, quitte à être long. Je trouve difficile de vouloir séparer l’Ancien Testament du Nouveau car :
– 1) Le Nouveau Testament (NT) s’inscrit dans la continuité de l’Ancien Testament (AT). Plus que ça, il en est totalement imprégné. Par ex :
Matt. 2:4 : « Il [Hérode] rassembla tous les chefs des prêtres et spécialistes de la loi que comptait le peuple et leur demanda où le Messie devait naître. »
Luke 6:7 « Les spécialistes de la loi et les pharisiens observaient Jésus pour voir s’il ferait une guérison le jour du sabbat, afin d’avoir un motif pour l’accuser. »
Matt. 26:56 « Mais tout cela est arrivé afin que les écrits des prophètes soient accomplis.» Alors tous les disciples l’abandonnèrent et prirent la fuite. »
Quels prêtres ? De quelle religion ? De quelle « loi » est-il question ? Quel peuple ? Quel Messie ? Qu’est-ce que le « sabbat» ? Qui sont les « prophètes » ? Qu’ont-ils écrit ? etc. Le texte ne ferait aucun sens s’il n’était pas considéré dans le contexte culturel des Hébreux de l’époque.
Baser une religion uniquement sur le NT, ce serait comme ne regarder que le dénouement d’un film, sous prétexte que c’est là que la narration devient intéressante (les tensions s’y résolvent, les sens du récit apparait) … Mais regarder la fin d’un film sans en connaitre le début rend souvent le visionnage inintelligible, puisque c’est précisément le but du prologue et des péripéties, qu’elles soient plaisantes ou non, que de nous amener au dénouement. De même, une connaissance (au moins un résumé) du contenu de l’AT est nécessaire pour comprendre en quoi le NT en est l’accomplissement.
2) Il y a, en particulier dans l’enseignement même du Christ (donc pas uniquement son contexte), de nombreux renvois directs à l’AT. Jésus s’appuie sur l’AT et le valide :
Matt. 5:17 « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. En effet, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre n’auront pas disparu, pas une seule lettre ni un seul trait de lettre ne disparaîtra de la loi avant que tout ne soit arrivé. »
La « loi » et les « prophètes » dont il est question sont ceux de l’AT. Dans l’Evangile, Jésus s’en réclame. Il annonce non pas vouloir s’y substituer ou les abolir, mais plutôt leur donner leur sens plénier, spirituel. En opposition aux interprétations superstitieuses, serviles, hypocrites et littérales des pharisiens. Le paragraphe se poursuit donc ainsi :
Matt. 5:18 « Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements et qui enseignera aux hommes à faire de même sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera aux autres, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. En effet, je vous le dis, si votre justice ne dépasse pas celle des spécialistes de la loi et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. »
Les « commandements » en question sont ceux de l’AT. Jésus appelle donc à respecter « la loi » mosaïque. Mais encore faut-il la comprendre correctement. S’ensuive alors des clarifications, pour donner le change aux « spécialistes de la loi » et « pharisiens » qui pervertissent cette loi.
Je propose de développer quelques exemple (a) :
Matt. 5:31 « Il a été dit: Que celui qui renvoie sa femme lui donne une lettre de divorce. Mais moi, je vous dis : Celui qui renvoie sa femme, sauf pour cause d’infidélité, l’expose à devenir adultère, et celui qui épouse une femme divorcée commet un adultère. »
Ici Jésus commente un passage du Deutéronome :
Deut. 24:1 « Lorsqu’un homme a pris et épousé une femme qui viendrait à ne pas trouver grâce à ses yeux parce qu’il a découvert en elle quelque chose de honteux, il écrit pour elle une lettre de divorce et, après la lui avoir remise, la renvoie de chez lui. »
La phrase en gras, prise isolément, donne l’impression qu’un homme mécontent pourrait renvoyer sa femme si la soupe était servie froide, pour peu qu’il prenne la peine de lui écrire une lettre recommandée. C’est en tout cas le sens dans lequel les juifs tordent le texte.
Jésus leur rappelle qu’il leur faut lire le paragraphe en entier :
Deut. 24:1 « Lorsqu’un homme a pris et épousé une femme qui viendrait à ne pas trouver grâce à ses yeux parce qu’il a découvert en elle quelque chose de honteux, il écrit pour elle une lettre de divorce et, après la lui avoir remise, la renvoie de chez lui. Elle sort alors de chez lui, s’en va et peut devenir la femme d’un autre homme. Supposons que ce dernier homme la prenne en haine, écrive pour elle une lettre de divorce et, après la lui avoir remise, la renvoie de chez lui, ou bien que le dernier homme qui l’a prise pour femme vienne à mourir. Alors le premier mari qui l’avait renvoyée ne pourra pas la reprendre pour femme après qu’elle a ainsi été rendue impure, car ce serait une pratique abominable devant l’Eternel, et tu ne chargeras pas d’un péché le pays que l’Eternel, ton Dieu, te donne en héritage. »
En substance, ce paragraphe à propos de la lettre du divorce traite d’un cas particulier. La règle générale est bien conçue pour que le mariage hébreu soit indissoluble. Mais si toutefois il était contracté « par erreur », les anciens hébreux auraient toléré que l’homme renvoie sa femme, pour peu que le mariage en question n’ait pas été consommé. Les pharisiens ne se préoccupent que de feindre l’obéissance à la grammaire de leur texte sacré, si bien qu’ils oublient l’esprit dans lequel il a été rédigé. D’où l’expression « pharisianisme » en français. C’est l’hypocrisie de ceux qui divorcent et se marient l’espace de quelques heures, pour pouvoir fréquenter des prostituées sans enfreindre leurs préceptes religieux, etc.
C’est ce que Jésus explique lorsqu’ils reviennent à la charge :
Matt. 19:3 « Les pharisiens l’abordèrent et, pour lui tendre un piège, ils lui dirent: «Est-il permis à un homme de divorcer de sa femme pour n’importe quel motif? » Il répondit : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, au commencement, a fait l’homme et la femme et qu’il a dit : C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et les deux ne feront qu’un ? »
Jésus se réfère ici à un passage de la Genèse :
Gen. 2:22 « L’Eternel Dieu forma une femme à partir de la côte qu’il avait prise à l’homme et il l’amena vers l’homme. L’homme dit : « Voici cette fois celle qui est faite des mêmes os et de la même chair que moi. On l’appellera femme parce qu’elle a été tirée de l’homme. »
C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils ne feront qu’un. »
Et il poursuit en expliquant, notamment à propose de cette fameuse lettre de divorce :
Matt. 19:6 « Ainsi, ils ne sont plus deux mais ne font qu’un. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni. » « Pourquoi donc, lui dirent-ils, Moïse a-t-il prescrit de donner une lettre de divorce à la femme lorsqu’on la renvoie ? » Il leur répondit : « C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de divorcer de vos femmes ; au commencement, ce n’était pas le cas. Mais je vous le dis, celui qui renvoie sa femme, sauf pour cause d’infidélité, et qui en épouse une autre commet un adultère, [et celui qui épouse une femme divorcée commet un adultère]. » »
Autre exemple (b) :
Matt. 5:43 « Vous avez appris qu’il a été dit: ‘Tu aimeras ton prochain et tu détesteras ton ennemi.’ »
Pour ce qui est de « l’amour du prochain », Jésus cite probablement un passage du Lévitique. Notez bien qu’aimer son prochain est donc un commandement de la loi mosaïque. Ce n’est pas Jésus qui l’invente :
Lev. 19:16 « Tu ne propageras pas de calomnies parmi ton peuple et tu ne t’attaqueras pas à la vie de ton prochain. Je suis l’Eternel. Tu ne détesteras pas ton frère dans ton cœur, mais tu veilleras à reprendre ton prochain, ainsi tu ne te chargeras pas d’un péché à cause de lui. Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune contre les membres de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Eternel. »
Le problème des pharisiens, c’est que pour eux, le prochain est un autre juif. Ainsi, lorsqu’il est écrit « tu ne t’attaqueras pas à la vie de ton prochain », les pharisiens comprennent : « tu peux tuer des Goys c’est pas grave ». Lorsqu’il est écrit « Tu ne propageras pas de calomnies parmi ton peuple », les pharisiens comprennent « tu peux mentir aux Goys c’est pas grave ». Lorsqu’ils lisent « Tu ne te vengeras pas […] contre les membres de ton peuple », les pharisiens entendent « tu peux te venger sur les Goys, c’est pas grave ». Etc.
C’est pour cela que dans la suite du paragraphe, Jésus exhorte les hébreux à appliquer leurs préceptes à tous les hommes, y compris à leurs ennemis :
Matt. 5:44 : « Mais moi je vous dis: Aimez vos ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous détestent] et priez pour ceux [qui vous maltraitent et] qui vous persécutent, afin d’être les fils de votre Père céleste. En effet, il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les collecteurs d’impôts n’agissent-ils pas de même ? »
C’est aussi le sens de la discussion entre Jésus et un docteur de loi (mosaïque) :
Luke 10:25 « Un professeur de la loi se leva et dit à Jésus pour le mettre à l’épreuve: «Maître, que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle?» Jésus lui dit : « Qu’est-il écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ? » Il répondit : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. »
Ici le pharisien se réfère au passage du Lévitique cité ci-dessus, et probablement à un passage du Deutéronome :
Deut. 6:5 « Tu aimeras l’Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Les commandements que je te donne aujourd’hui seront dans ton cœur. »
Jésus approuve, mais le pharisien cherche alors à tendre un piège :
Luke 10:27 « Tu as bien répondu, lui dit Jésus. Fais cela et tu vivras. » Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » »
La question est capitale. Si le prochain est un autre juif, nous retombons sur cette lecture tribale et antisociale des commandements. Tout l’enseignement de Jésus vise précisément à abolir cette distinction, ce sectarisme, et à intégrer les juifs au reste de l’humanité en brisant petit à petit le mur qui les en sépare. Jésus répond alors au pharisien :
Luc 10 :30 : « Jésus reprit la parole et dit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba entre les mains de brigands qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s’en allèrent en le laissant à moitié mort. Un prêtre qui, par hasard, descendait par le même chemin vit cet homme et passa à distance. De même aussi un Lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa à distance. Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut rempli de compassion lorsqu’il le vit. »
Notons que les Samaritains sont d’autres israélites, mais qui entretiennent de très mauvaises relations avec les pharisiens à cette époque. Suite :
« Il s’approcha et banda ses plaies en y versant de l’huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, [à son départ,] il sortit deux pièces d’argent, les donna à l’aubergiste et dit : ‘Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le rendrai à mon retour.’ Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ?» « C’est celui qui a agi avec bonté envers lui », répondit le professeur de la loi. Jésus lui dit [donc] : « Va agir de la même manière, toi aussi. » »
D’une façon générale (c), il n’y a aucun endroit où Jésus irait condamner ou contredire l’AT. Jésus appelle les pharisiens à vivre les commandements de l’AT avec leur cœur (ce qui changerait toutefois diamétralement leur pratique !). Comme vu plus haut, cela est bien écrit dans l’AT aussi :
Deut. 6 :5 : « Les commandements que je te donne aujourd’hui seront dans ton cœur. »
Mais le cœur des pharisiens est éloigné de Dieu, qu’ils ne servent hypocritement qu’en apparence et du bout des lèvres. Ainsi ils remplacent les commandements de Dieu par leurs propre règles tribales, tout en maintenant leur peuple dans ce ghetto mental. C’est littéralement ce que Jésus dit :
Matt 15 :7 : « Hypocrites, Esaïe a bien prophétisé sur vous, quand il a dit : Ce peuple [prétend s’approcher de moi et] m’honore des lèvres, mais son cœur est éloigné de moi. C’est faussement qu’ils m’honorent en donnant des enseignements qui sont des commandements humains. » »
Ci-dessus le Christ cite Esaïe, un des prophètes de l’AT. Notez que ce qui est écrit par Esaïe est très juste ; la plupart des prophètes juifs critiquent abondamment leur peuple :
Is. 29:13 « Le Seigneur dit: « Ce peuple s’approche de moi, il m’honore de la bouche et des lèvres, mais son cœur est éloigné de moi et la crainte qu’il a de moi n’est qu’un commandement humain, une leçon apprise. C’est pourquoi, je continuerai à étonner ce peuple par des merveilles et des miracles, de sorte que la sagesse de ses sages disparaîtra et l’intelligence de ses hommes intelligents devra se cacher. » »
Et la loi mosaïque contient de nombreuses autres préceptes que nous aimerions que les juifs d’aujourd’hui appliquent un peu mieux … Exemple:
Lev. 18:21 « Tu ne livreras aucun de tes enfants pour le sacrifier à Moloc, et tu ne déshonoreras pas ainsi le nom de ton Dieu. Je suis l’Eternel. Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme : c’est une pratique abominable. Tu ne coucheras pas avec une bête pour te rendre impur avec elle, la femme non plus ne s’approchera pas d’une bête pour se prostituer à elle: c’est une pratique abominable. »
3) Les Apôtres eux-mêmes ne cessent d’utiliser l’AT (i.e. « l’Ecriture ») comme support de leur enseignement chrétien. Paul le suggère par exemple à son disciple Timothée :
Tim 3 :15 : « Depuis ton enfance, tu connais les saintes Ecritures qui peuvent te rendre sage en vue du salut par la foi en Jésus-Christ. Toute l’Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit formé et équipé pour toute œuvre bonne. »
Ils font aussi de nombreuses citations, comme dans l’Epitre de Jacques :
Jacques 4:5 « Croyez-vous que l’Ecriture parle sans raison? C’est avec jalousie que Dieu aime l’Esprit qui habite en nous. Cependant, la grâce qu’il accorde est plus grande encore, c’est pourquoi l’Ecriture dit: Dieu s’oppose aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles. »
Ici Jacques cite une partie d’un proverbe de l’AT :
Prov. 3:33 « La malédiction de l’Eternel frappe la maison du méchant, mais il bénit le domaine des justes. Il se moque des moqueurs, mais il fait grâce aux humbles. »
Etc. (je ne vais citer tous les exemples ça prendrait des dizaines de pages. Ils sont notamment très nombreux dans l’Epître aux Hébreux, écrite par Paul pour expliquer tout cela aux juifs).
4) Indépendamment de l’enseignement chrétien, il y a des beaux textes dans l’ancien testament. Précisément parce que les prophètes et les sages du peuple Hébreux font souvent figure d’exception au milieu de leurs compatriotes serviles et superstitieux. Quelques courts exemples :
La plupart des proverbes sont jolis. Exemples que j’aime :
Prov. 6:16 « Il y a six choses que l’Eternel déteste, et même sept dont il a horreur: les yeux hautains, la langue menteuse, les mains qui versent le sang innocent, le cœur qui médite des projets injustes, les pieds qui se dépêchent de courir au mal, le faux témoin qui dit des mensonges et celui qui provoque des conflits entre frères. »
Prov. 10:18 « Celui qui dissimule de la haine a des lèvres menteuses, et celui qui propage des racontars est stupide. »
Prov. 11:22 « Un anneau d’or au groin d’un porc, voilà ce qu’est une femme belle mais dépourvue de discernement. »
Prov. 19:14 « On peut hériter de ses pères une maison et des richesses, mais une femme intelligente est un don de l’Eternel. »
Le livre de la Sagesse n’est pas mal non plus (en gras, cité par Otto Weininger dans son livre) :
Eccl. 7 :23 « J’ai éprouvé tout cela par la sagesse. J’ai dit : Je serai sage. Et la sagesse est restée loin de moi. Ce qui est loin, ce qui est profond, profond, qui peut l’atteindre ? Je me suis appliqué dans mon cœur à connaître, à sonder, et à chercher la sagesse et la raison des choses, et à connaître la folie de la méchanceté et la stupidité de la sottise. Et j’ai trouvé plus amère que la mort la femme dont le cœur est un piège et un filet, et dont les mains sont des liens ; celui qui est agréable à Dieu lui échappe, mais le pécheur est pris par elle. Voici ce que j’ai trouvé, dit l’Ecclésiaste, en examinant les choses une à une pour en saisir la raison ; voici ce que mon âme cherche encore, et que je n’ai point trouvé. J’ai trouvé un homme entre mille ; mais je n’ai pas trouvé une femme entre elles toutes. Seulement, voici ce que j’ai trouvé, c’est que Dieu a fait les hommes droits ; mais ils ont cherché beaucoup de détours. »
On peut aussi tirer des enseignements de la Genèse (je ne vais pas m’étaler là-dessus ici).
Et le plus intriguant pour moi ce sont les prophéties, à la fin de l’AT. Quelques exemples ci-dessous. Lisons lorsque Jésus meurt sur la croix :
Matt 27 :41 : « Les chefs des prêtres, avec les spécialistes de la loi et les anciens, se moquaient aussi de lui et disaient : « Il en a sauvé d’autres et il ne peut pas se sauver lui-même ! S’il est roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui. Il s’est confié en Dieu ; que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! En effet, il a dit : ‘Je suis le Fils de Dieu.’ » Les brigands crucifiés avec lui l’insultaient eux aussi de la même manière. »
Le passage en gras est une citation du Psaume 22, que les pharisiens utilisent pour se moquer de lui (voir plus bas). Ensuite :
Matt 27 :45 : « De midi jusqu’à trois heures de l’après-midi, il y eut des ténèbres sur tout le pays. Vers trois heures de l’après-midi, Jésus s’écria d’une voix forte : « Eli, Eli, lama sabachthani ? » – c’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Dans l’Evangile de Matthieu, ce sont les dernières paroles de Jésus. C’est aussi le début de ce Psaume 22, j’abrège mais je pense qu’il est instructif de le lire :
Psa. 22:2 « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Pourquoi t’éloignes-tu sans me secourir, sans écouter mes plaintes ? Mon Dieu, je crie le jour, et tu ne réponds pas, la nuit, et je ne trouve pas de repos. […] Tous ceux qui me voient se moquent de moi, ils ricanent, ils hochent la tête: « Recommande ton sort à l’Eternel ! L’Eternel le sauvera, il le délivrera, puisqu’il l’aime! » […] Oui, des chiens m’environnent, une bande de scélérats rôdent autour de moi; ils ont percé mes mains et mes pieds. Je pourrais compter tous mes os; eux, ils observent, ils me regardent, ils se partagent mes vêtements, ils tirent au sort mon habit. […]Leur descendance le servira; on parlera du Seigneur à la génération future, et quand elle viendra, elle annoncera sa justice, elle annoncera son œuvre au peuple à naître. »
Ce texte est qualifié de prophétique en ceci qu’il semble décrire d’une façon poétique le destin de Jésus, tout en étant écrit plusieurs siècles auparavant.
Dans les actes des apôtres il est également mention d’un Ethiopien, en train de lire un prophète de l’AT :
Act 8 :30 : « Philippe accourut et entendit l’Ethiopien lire le prophète Esaïe. Il lui dit : « Comprends-tu ce que tu lis ? » L’homme répondit : « Comment le pourrais-je, si personne ne me l’explique ?» et invita Philippe à monter et à s’asseoir avec lui. »
Ensuite Philippe explique la prophétie, et l’éthiopien se fait baptiser. Le passage en question est le suivant (j’abrège) :
Is. 53:1 « Qui a cru à notre prédication? qui le bras de l’Eternel a-t-il été révélé? […] Nous étions tous comme des brebis égarées: chacun suivait sa propre voie, et l’Eternel a fait retomber sur lui nos fautes à tous. Il a été maltraité, il s’est humilié et n’a pas ouvert la bouche. Pareil à un agneau qu’on mène à l’abattoir, à une brebis muette devant ceux qui la tondent, il n’a pas ouvert la bouche. Il a été enlevé sous la contrainte et sous le jugement, et dans sa génération qui s’est inquiété de son sort? Qui s’est soucié de ce qu’il était exclu de la terre des vivants, frappé à cause de la révolte de mon peuple? On a mis son tombeau parmi les méchants, sa tombe avec le riche, alors qu’il n’avait pas commis de violence et qu’il n’y avait pas eu de tromperie dans sa bouche. L’Eternel a voulu le briser par la souffrance. Si tu fais de sa vie un sacrifice de culpabilité, il verra une descendance et vivra longtemps, et la volonté de l’Eternel sera accomplie par son intermédiaire. Après tant de trouble, il verra la lumière et sera satisfait. Par sa connaissance, mon serviteur juste procurera la justice à beaucoup d’hommes; c’est lui qui portera leurs fautes. Voilà pourquoi je lui donnerai sa part au milieu de beaucoup et il partagera le butin avec les puissants: parce qu’il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort et qu’il a été compté parmi les criminels, parce qu’il a porté le péché de beaucoup d’hommes et qu’il est intervenu en faveur des coupables. […]. »
C’est d’ailleurs le texte que Jésus cite lui-même avant son arrestation :
Luc 22 :37 : « En effet, je vous le dis, il faut que s’accomplisse [encore] dans ma personne ce texte de l’Ecriture : Il a été compté parmi les criminels. Et ce qui me concerne est sur le point de se réaliser. »
Nb : Je sais que l’hypothèse de la falsification intégrale des évangiles est émise par certains, pour tenter d’expliquer ces concordances surprenantes. Traitons peut-être cette question une autre fois.
En résumé, pour peu que l’on considère le NT comme un corpus authentique, je vois difficilement comment il serait possible d’en tirer toute la substantifique moelle sans disposer en même temps de l’AT. Voyez comment il faut constamment passer de l’un à l’autre pour comprendre le sens profond de ce que Jésus et les apôtres y enseignent ! Comment ce texte pourrait-il donc vous être intelligible par lui-même ??
NEAMOINS,
ai-je affirmé que les Juifs d’aujourd’hui étaient de bons chrétiens, nos grand-frères dans la foi ? NON. CE N’EST PAS CE QUE J’AI DIT.
L’AT testament n’a de valeur qu’en ceci qu’il permet de mieux discerner la beauté des enseignements du Christ. Nous pourrions dire que sa grille de lecture est « christocentrique », qu’il faut y chercher ce qui prépare la venue du Christ.
Poursuivons vers le problème de fond :
Les pharisiens croient servir Dieu. Pourtant, ils font exactement l’inverse de ce que Jésus enseigne ; c’est pourquoi Jésus les prends pour cible. Jésus étant pour les chrétiens le Logos divin incarné, il est donc évident que cette histoire juive est confuse. Les pharisiens ne pourraient pas simultanément servir Dieu tout en persécutant l’incarnation de son Logos. Ainsi, quoique les apôtres et les pharisiens utilisent le même mot, « Dieu », les conceptions qu’ils en ont, et par conséquent les entités qu’il honorent par leurs cultes et leurs pratiques respectives, sont différentes. IL Y A UN IMMENSE QUIPROQUO. Sur plusieurs points :
A) « Israël » est le nom qui, dans l’AT, sert à désigner ce « peuple choisi par Dieu ». L a venue du Christ aboli complètement cette distinction entre les juifs et les non-juifs, tant est si bien qu’Israël, au sens Biblique, c’est aujourd’hui l’Eglise du Christ. Voyez ce que raconte Paul :
Gal. 3:26 « Vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ; en effet, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous vous êtes revêtus de Christ. Il n’y a plus ni Juif ni non-Juif, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous êtes tous un en Jésus-Christ. Si vous appartenez à Christ, vous êtes donc la descendance d’Abraham [et] vous êtes héritiers conformément à la promesse. »
La promesse dont il parle est celle fait à Abraham en Genèse Chap. 15.
Nb : C’est donc une imposture grotesque d’avoir nommé « Israël » un état Juif du XXIe siècle.
Et comme les hébreux n’ont pas cru, Jésus apportera alors son enseignement aux non-juifs :
Matt. 23:37 « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés! Combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! Voici que votre maison vous sera laissée déserte car, je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais, jusqu’à ce que vous disiez : ‘Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !’» »
(la fin est une citation du Psaume 118)
B) Jésus lui-même fait bien sentir aux pharisiens que s’ils ne comprennent pas ses paroles, c’est parce qu’ils vénèrent l’antithèse de Dieu :
Jean 8:43 « Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? Parce que vous ne pouvez pas écouter ma parole. Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s’est pas tenu dans la vérité parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. Mais moi, parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas. Qui de vous me convaincra de péché ? Si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas ? Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu; vous, vous n’écoutez pas parce que vous n’êtes pas de Dieu.» »
Je ne peux pas être plus clair. Les pharisiens et les apôtres pensent tout deux servir Dieu. Mais il y a nécessairement un des deux partis qui vénère Satan.
Matt. 23:29 « Malheur à vous, spécialistes de la loi et pharisiens hypocrites, parce que vous construisez les tombeaux des prophètes et que vous décorez les tombes des justes, et vous dites: ‘Si nous avions vécu à l’époque de nos ancêtres, nous ne nous serions pas joints à eux pour verser le sang des prophètes.’ Vous témoignez ainsi contre vous-mêmes que vous êtes les descendants de ceux qui ont tué les prophètes. Portez donc à son comble la mesure de vos ancêtres ! Serpents, race de vipères ! Comment échapperez-vous au jugement de l’enfer ? »
C) Les apôtres eux-mêmes sont conscients de cette division dans leur peuple. Les ennemis sont mentionnés explicitement par l’apôtre Jean :
John 2:18 « Petits enfants, c’est la dernière heure. Vous avez appris que l’Antichrist vient. Or, déjà maintenant, il y a plusieurs antichrists ; par là nous reconnaissons que c’est la dernière heure. Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres, car s’ils avaient été des nôtres, ils seraient restés avec nous. Mais cela est arrivé afin qu’il soit bien clair que tous ne sont pas des nôtres. Quant à vous, vous avez l’onction donnée par celui qui est saint et vous avez toute connaissance. Si je vous ai écrit, ce n’est pas parce que vous ignorez la vérité, mais parce que vous la connaissez et qu’aucun mensonge ne provient de la vérité. Qui est menteur ? N’est-ce pas celui qui nie que Jésus est le Messie ? Tel est l’Antichrist, celui qui nie le Père et le Fils. Si quelqu’un nie le Fils, il n’a pas non plus le Père ; [celui qui se déclare publiquement pour le Fils a aussi le Père.] »
Encore plus explicitement dans l’Apocalypse (de Jean aussi donc), la « synagogue de Satan » :
Rev 2 :9 « Je connais [tes œuvres,] ta détresse et ta pauvreté – et pourtant tu es riche – ainsi que les calomnies de ceux qui se disent juifs et ne le sont pas mais qui sont une synagogue de Satan »
Rev 2 :8 « Je te donne des membres de la synagogue de Satan qui se prétendent juifs sans l’être et qui mentent. Je les ferai venir se prosterner à tes pieds et reconnaître que je t’ai aimé. »
Pour résumer : il semble que les juifs aient porté en eux à la fois les germes du christianisme, et du satanisme. Ce sont deux pôles opposés, qui proviennent du même « terreau », et qui résultent respectivement de l’acceptation totale, ou du rejet intégral, du Christ.
Suivant les rédacteurs des chroniques de l’Ancien Testament, la compréhension de ce qu’est Yahvé est peut-être poussé dans l’une ou l’autre direction. Je crois que Douglas Reed, dans la Controverse de Sion, essaye de rendre compte de ces interpolations successives et antagonistes. Et aujourd’hui, plus encore que dans l’antiquité, le nom de Dieu est probablement compris de deux manières différentes, par les Juifs (et autres Kabbalistes) et les Chrétiens ; puisque les juifs de nos jours croient encore le servir, tout en traitant Jésus d’imposteur.
Les juifs d’aujourd’hui ne sont pas « nos grand-frères dans la foi ». La judaïsation de l’Eglise catholique est un problème ; qui s’est d’ailleurs aggravé depuis Vatican II (cette doctrine saugrenue d’une « fraternité » spirituelle entre juifs modernes et chrétiens fut ajoutée à la demande des Juifs au Concile. C.f. Catéchisme Catholique de la Crise dans L’Eglise, de l’Abbé Gaudron, et Ils l’ont Découronné, de Mgr Lefèbvre, pour comprendre un peu mieux les coulisses de ce concile).
Pour d’avantage de détails sur la position catholique à propos de la question Juive, je conseille une série d’articles écrits pas les jésuites du 19e siècle, dans La civilita catholica. « The Jewish Question in Europe », Trad. Par E.M. Jones, 2012 (~60 pages).
BREF
Pour enfin répondre à la question : est-ce que je comprends le marcionisme ?
Notons tout d’abord que le marcionisme abouti aussi à d’autres idées gnostiques et manichéennes, dont je ne vais pas discuter ici. Mais pour ce qui est du contraste apparent entre AT et NT, oui je le comprends (un peu), puisqu’il y a bien, dans le folklore sémitique, un tri à opérer, afin de distinguer ce qui relève, d’une part, du pédo-satanisme talmudique, et, d’autre part, de la charité universelle du Christ.
Mais je ne vois absolument pas pourquoi cette coupure devrait s’effectuer entre la dernière page de l’AT et la première page du NT.
Il me semble que Guyénot et Hindi commentent les passages macabres et violents des chroniques juives. Je vais donc lire leurs ouvrages et étudier leur argumentaire de plus près.
En général les catholiques tenteront de conserver ces passages, qui font d’avantage figure d’exception que de norme dans l’AT, en proposant des grilles de lecture alternatives. Par exemple :
– La révélation est progressive. La sévérité est l’une des facettes de Dieu, et cet ainsi qu’il a fallu qu’il se fasse connaître à une époque reculée, précaire et violente.
– Jésus est tout aussi sévère, si vous lisez comment il met en grade contre le jugement dernier. Ça n’est pas un « bisounours ». Et ça ne l’empêche pas de nous aimer. Une main de fer dans un gant de velours. C’est cela que d’être Juste. Dans la représentation simpliste que nous pouvons nous faire de Dieu, Il est décrit comme possédant ces deux facettes.
– Les récits de viols, d’incestes, etc. qui emplissent la Genèse et autres chroniques, ne sont pas rapportés pour nous servir d’exemple. Au contraire, dans de nombreux cas, l’AT rapporte les errements (parfois gravissimes) des personnages, plutôt pour montrer que Dieu peut parvenir à ses fins malgré les misères de la condition humaine ; ou pour nous raconter comment les personnages en question se réconcilient ensuite avec Dieu, réparent leurs fautes, etc.
– Rien n’indique que les Hébreux aient été « choisis par Dieu » en raison d’une quelconque supériorité de leur part. En fait la raison de cette « élection » est mystérieuse et le restera toujours. En général Dieu est présenté dans la Bible comme usant des moyens les plus incongrus pour parvenir à ses fins, et ainsi faire éclater sa gloire. Il n’est pas forcément illogique que le peuple le plus servile, névrosé et superstitieux ait reçu, malgré lui, une doctrine trop belle que pour que leur inintelligence puisse la circonscrire. Ils auront toutefois eu le mérite d’avoir relativement bien conservé les textes.
Faire un amalgame complet entre le Dieu d’Abraham, Yahvé, Dieu sous ses autres dénominations dans l’AT, et Satan, ne me parait donc pas conforme à ce que véhiculent ces textes. Et une telle spéculation me conduirait, pour être un peu taquin, à renvoyer la balle à nos amis Mahométans, qui ne semblent pas non plus être très au clair sur la question :
Sourate II, 130 & 136, du Coran :
130. « Qui donc aura en aversion la religion d’Abraham, sinon celui qui sème son âme dans la sottise ? Car très certainement Nous l’avons choisi en ce monde ; et, dans l’au-delà, il est certes du nombre des gens de bien. »
136. « Dites: « Nous croyons en Allah et en ce qu’on nous a révélé, et en ce qu’on n’a fait descendre vers Abraham et Ismaël et Isaac et Jacob et les Tribus, et en ce qui a été donné à Moïse et à Jésus, et en ce qui a été donné aux prophètes, venant de leur Seigneur: nous ne faisons aucune distinction entre eux. Et à Lui nous sommes Soumis ». »
Affaire à suivre.
