Extrait de Langage symbolique, langage de la Nature, Œuvres complètes
« Maître, pouvez-vous nous dire ce qu’est l’âme ? »
Pour répondre à votre question, je commencerai par vous parler des différentes manières dont un certain nombre de religions et de systèmes philosophiques ont essayé d’expliquer l’être humain en distinguant en lui différents principes.
Les hindous le divisent en 7, et les théosophes ont adopté cette division. Les astrologues le divisent en 12, en correspondance avec les 12 signes du Zodiaque, et les alchimistes en 4 d’après les 4 éléments. Les kabbalistes ont choisi le 4 et le 10, les quatre mondes et les dix séphirot. Dans la religion des anciens Perses, le mazdéisme puis le manichéisme, l’homme est divisé en 2 d’après les deux principes du bien et du mal, de la lumière et des ténèbres, Ormuzd et Ahriman. En opposition à cette théorie, certains affirment qu’il est une unité indivisible. Quant aux chrétiens, eux, ils le divisent souvent en 3 : corps, âme, esprit ; et nous reviendrons aussi, tout à l’heure, sur cette division trinitaire. J’ajouterai encore que certains ésotéristes ont choisi la division en 9 parce qu’ils répètent le 3 dans les 3 mondes : physique, spirituel et divin.
Où est la vérité ? Chez tous. Cela dépend de quel point de vue on considère l’homme. Que ce soit 1, 2, 3, 4, 7, 9, 10, 12, tous sont dans le vrai. On peut même aller plus loin et le diviser en 3 fois 12, c’est-à-dire 36, et encore 2 fois 36, c’est-à-dire 72, et même encore 2 fois 72 : 144. 36 – 72 – 144, c’est l’ordre dans lequel ces nombres sont étudiés dans la Kabbale, et ils sont significatifs. Mais on peut remarquer que c’est le 3 qui revient le plus souvent : 3 fois 3 = 9 ; 3 fois 4 = 12 ; 3 fois 12 = 36, etc. 36, ce sont les 36 génies ; et 2 fois 36 = 72, ce sont les 72 noms de Dieu, le Schem Hameforasch. Il est dit que celui qui connaît ces 72 noms de Dieu peut commander à tous les génies planétaires… Tous ces nombres, les kabbalistes et les Initiés ne les ont pas choisis au hasard. Prenons par exemple le nombre 72. Le point vernal rétrograde d’un degré tous les 72 ans, et 72, c’est aussi le nombre des battements du cœur à la minute ; et même on peut constater que la norme du rythme respiratoire, c’est 18 à la minute, et 18 est justement le quart de 72…
Dans le mouvement des étoiles et des planètes, dans la succession ou la répétition de nombreux phénomènes de la nature, les sages du passé ont observé une certaine régularité, c’est-à-dire des rythmes qui se traduisent par des nombres. Ces nombres, extrêmement significatifs, ils les ont utilisés pour l’exposé de certaines idées, et suivant l’aspect qu’ils voulaient présenter, ils utilisaient tel ou tel nombre. Je procède de la même manière. Souvent, par commodité, je divise l’homme en 2 : la nature inférieure, ou personnalité, et la nature supérieure, ou individualité, parce que cette division facilite la compréhension de certains problèmes. Pour d’autres explications, je choisis la division en 3, ou en 6, ou en 7, si elle me semble plus claire pour vous. Ces divisions sont seulement des moyens commodes pour présenter tel ou tel aspect de la réalité. Aucune ne contredit l’autre, parce que chacune est vraie d’un certain point de vue.
On peut diviser l’homme en autant de régions que l’on veut. Prenons, par exemple, les anatomistes : sur telle planche illustrée, ils présentent seulement le système osseux, le squelette ; sur telle autre, seulement le système circulatoire avec les artères, les veines, les capillaires, ou bien le système musculaire, ou le système nerveux, etc. C’est toujours l’homme, mais présenté chaque fois sous un aspect différent, parce qu’il est impossible à l’intellect de le saisir dans son ensemble. Et les géographes aussi, quand ils font des cartes, ils ne présentent pas en même temps tous les aspects d’un pays. Sur les cartes physiques sont indiqués le réseau hydrographique, les montagnes, les plaines… sur les cartes géologiques, la nature des terrains… et il y a aussi des cartes économiques, des cartes politiques, etc. C’est la même chose dans tous les domaines.
Donc, exactement comme un anatomiste ou un géographe, les Initiés se servent aussi de certaines divisions, suivant l’aspect qu’ils veulent illustrer.
Maintenant, pour expliquer ce qu’est l’âme, nous pouvons commencer par nous arrêter sur la division en 7, celle des hindous et des théosophes. Je vous dirai donc que l’homme est fait de 7 corps : physique, éthérique, astral, mental, causal, bouddhique et atmique. Maintenant, si l’on veut essayer de faire coïncider cette division en 7 avec la division en 3 à laquelle les Occidentaux sont mieux habitués, c’est possible.
Dans cette division en 3, « le corps » correspond au plan physique et au plan éthérique ; « l’âme », au plan astral et au plan mental ; « l’esprit », aux plans causal, bouddhique et atmique.
Donc, pour l’esprit il y a 3 régions, pour l’âme, 2, et pour le corps aussi, 2. D’après ce schéma, vous voyez que l’âme est un intermédiaire, un lien entre le monde physique et le monde de l’esprit ; elle est le véhicule qui transporte les éléments du ciel à la terre et de la terre au ciel. Tout passe par l’âme.
Prenons l’exemple de l’arbre, car on peut lui appliquer la même division en 3 : racines, tronc et branches. La nourriture de l’arbre est assurée par un système de vaisseaux conducteurs : au centre, les vaisseaux qui transportent la sève brute des racines vers les feuilles, où elle est élaborée, et dans l’écorce, les vaisseaux périphériques qui renvoient la sève élaborée vers les racines. Ce sont donc deux courants, l’un ascendant, l’autre descendant, et ce qu’il est important de remarquer, c’est qu’ils ne se mélangent pas. Ils sont exactement comparables aux deux courants artériel et veineux dans le corps humain : le sang des veines et le sang des artères ne se mélangent pas non plus, sinon c’est la maladie bleue.
L’âme est donc cette région intermédiaire que traversent les courants qui vont de la terre au ciel et du ciel à la terre. C’est l’échelle de Jacob. C’est elle, cette échelle le long de laquelle, dans le songe de Jacob, les anges montaient et descendaient : elle est placée dans l’âme, c’est-à-dire dans le plan astral et dans le plan mental ; c’est pourquoi il y a deux courants : celui du sentiment et celui de la pensée, mais ils ne se rencontrent pas. Rien ne s’élabore dans l’âme, c’est un lieu de passage que traverse tout ce qui descend du ciel, du monde divin vers les créatures d’en bas, et tout ce qui, d’en bas, monte vers le ciel.
L’esprit travaille sur la matière mais par l’intermédiaire de l’âme. L’âme est donc un outil pour l’esprit, un outil dont il se sert pour atteindre le plan physique, car l’esprit, lui, ne le peut pas. Seule l’âme a la possibilité de toucher la matière, et c’est donc à travers elle que l’esprit peut travailler sur la matière, la modeler, la façonner, lui donner des ordres. Sans l’âme, sans les possibilités de l’âme, l’esprit ne peut rien faire sur la matière. Toutes les forces qui sont là, accumulées dans le corps physique, les métaux, les cristaux, le pétrole, l’or, les pierres précieuses — symboliquement parlant — l’esprit ne peut les utiliser qu’à travers l’âme qui pénètre et se faufile dans le corps parce qu’elle est déjà plus… pas plus matérielle, mais plus proche de la matière ; donc elle a plus de possibilités pour la toucher et en retirer les éléments. Et quand elle est arrivée à les saisir, elle envoie ces éléments vers l’esprit.
Mais qu’est-ce qu’on n’a pas raconté au sujet de l’âme ! J’ai lu les théories les plus abracadabrantes et les plus obscures, surtout dans les livres écrits par des théologiens. C’est parce qu’ils n’ont pas bien observé la nature. Tout se reflète dans la nature, et quand on sait comment l’observer, on peut trouver la solution des questions les plus complexes et abstraites. Tous les problèmes alchimiques, théurgiques, magiques, kabbalistiques ou astrologiques, vous pouvez les trouver résolus dans les phénomènes du plan physique. Vous devriez maintenant être habitués à faire ce travail de déchiffrage. Que de fois je vous ai parlé sur ce sujet ! Mais vous ne prenez pas cela au sérieux. Vous trouvez mes interprétations poétiques, c’est tout, et bonnes pour les enfants, elles sont trop simples pour vous.
Si vous croyez que l’on peut vous expliquer plus clairement ce qu’est l’âme, vous vous trompez. On ne peut pas vous l’expliquer plus clairement que je viens de le faire.
Maintenant, si on doit s’arrêter sur toutes les possibilités de l’âme et les différentes manières dont on l’a représentée, il y a, bien sûr, beaucoup de choses à dire. L’âme a des possibilités plastiques et formatrices, elle n’a pas de limites, elle peut s’élargir jusqu’à embrasser tout l’univers… Elle a été appelée lumière astrale, médium universel, etc… Mais parmi toutes les représentations symboliques qui ont été données d’elle, il y en a une qui est restée indéchiffrable pour beaucoup, c’est celle du serpent qui se mord la queue. Là aussi, on peut voir une division en 3 : le corps, l’âme et l’esprit. L’esprit c’est la tête du serpent, le corps c’est la queue, et l’âme, c’est tout ce qui est intermédiaire entre la tête et la queue. Mais ce que cela veut dire, je n’ai pas le droit de vous l’expliquer. Je vous dirai seulement que ce symbole m’a beaucoup préoccupé pendant des années. Je voulais savoir ce qu’il représente et quand je l’ai su, ça a été une révélation indescriptible. Puis j’ai fait tout mon possible pour réaliser ce que les Initiés ont caché dans ce symbole. En réalité, c’est très simple, quand le Ciel vous aide à comprendre, c’est très simple… Mais je n’ai pas le droit de vous le révéler.
Et maintenant où se trouve l’homme ? Partout… Vous direz : « Même dans son corps physique ? » Oui, même dans son corps physique. S’il s’identifie au corps, comme les gens ordinaires qui s’identifient toujours à leur ventre, à leur estomac, à leur sexe, etc… il est le corps. En réalité, évidemment le corps ce n’est pas l’homme, c’est son instrument, son vêtement. Vous pouvez avoir une jambe ou un bras coupé, on peut vous avoir enlevé un poumon ou un rein, vous existez encore et vous sentez que vous n’êtes ni dans les jambes, ni dans les bras, ni dans tout le reste. « Alors, direz-vous, l’homme est dans son âme ? » Oui, bien sûr, il y est davantage, mais pas complètement. La demeure véritable de l’homme est son esprit. Et que fait-il avec son âme ? Il se manifeste à travers elle comme à travers un corps, un corps supérieur, évidemment, un corps lumineux, mais un corps tout de même qui, un jour, se désagrégera lui aussi, et à ce moment-là, l’homme vivra dans son esprit.
Quand on dit que l’âme de l’homme est immortelle, en réalité on parle de son âme supérieure, c’est-à-dire de son esprit : mais son âme inférieure disparaîtra car elle est mortelle. Oui, l’âme ordinaire de l’homme est mortelle, mais son âme spirituelle qui est son esprit est immortelle, et c’est là qu’il vivra un jour. Il peut évidemment commencer dès aujourd’hui, mais à condition d’apprendre à ne pas se confondre avec tout ce qui n’est pas lui. En s’observant, en s’analysant, en méditant, en priant, il doit travailler à se chercher, à se trouver. Pourquoi ? Parce qu’il s’est égaré, et celui qui s’égare perd toutes ses possibilités. Parce que les humains se sont éloignés de la source, de l’esprit, ils ont perdu la conscience de leur véritable identité, et avec la perte de cette conscience, ils ont tout perdu. C’est pour cette raison que tous les Enseignements initiatiques donnent au disciple la tâche de se retrouver, de se connaître.
Au fronton du temple de Delphes il était inscrit : « Connais-toi toi-même » ; mais peu de penseurs ont compris ce précepte. On croit que se connaître signifie connaître son caractère, ses faiblesses, ses qualités. Non, c’est quelque chose de plus. S’il ne s’agissait que de psychologie, on ne l’aurait jamais écrit sur un temple ! C’est trop facile de se connaître ainsi. La vraie connaissance initiatique, c’est de se fondre, de se fusionner par un acte d’amour, comme il est dit dans la Bible qu’« Adam a connu Ève » ou qu’« Abraham a connu Sarah ». La vraie connaissance, c’est la fusion. En disant : « Connais-toi toi-même », les Initiés voulaient dire que l’homme n’est pas celui qu’il croit être et qu’il doit donc apprendre à se connaître. Se connaître, c’est s’identifier, se fusionner avec Soi-même, ce Soi supérieur qui est en haut dans la région de l’esprit. C’est pourquoi il doit abandonner tout ce qui n’est qu’enveloppe, oripeaux, illusions et aller de plus en plus haut jusqu’à ce qu’il ne fasse plus qu’un avec son esprit. C’est cela se connaître, et c’est justement un aspect du symbole du serpent qui se mord la queue, mais c’est une infime partie. Le reste, cherchez-le vous-même.
Le sens de l’initiation, je le répète, est d’apprendre à l’homme à se détacher de sa nature inférieure pour pouvoir vibrer à l’unisson avec son esprit qui est son véritable Moi ; à ce moment-là, il possède toutes les qualités de l’esprit, la puissance, la maîtrise, le savoir de l’esprit. La fusion avec le Moi supérieur, c’est la fusion avec Dieu. Oui, se retrouver, se connaître, c’est se fondre dans la divinité, car cette étincelle, cet esprit qui est en l’homme n’est jamais séparé de Dieu ; et en se cherchant, en se trouvant, il atteint la conscience suprême de vivre et de respirer en Dieu.
Mes chers frères et sœurs, cette philosophie est immense, grandiose… Comment on l’a comprise, je n’en ai aucune idée, mais moi, j’essaierai par tous les moyens de vous la faire comprendre pour la partager avec vous. Pour moi, c’est très clair, c’est très simple, tout est résumé dans le symbole du serpent qui se mord la queue. Et vous voyez, ce qui est le plus extraordinaire chez les Initiés, c’est qu’ils avaient la faculté de résumer, de condenser une science vertigineuse dans un symbole en apparence insignifiant.
« Mais pourquoi, direz-vous, doit-on réunir les deux extrémités du serpent ? » Là, je vous dirai seulement que si l’homme reste comme une ligne droite ou sinueuse, ses énergies s’éparpillent et il s’affaiblit. Tandis que s’il réunit les deux extrémités, les deux pôles sont branchés et il y a une force formidable qui s’accumule dans le cercle, en son centre. Aussi longtemps que l’homme ne s’est pas retrouvé, toutes ses forces s’en vont inutilement, mais quand il se retrouve, ses forces sont là, rassemblées, condensées et conservées pour le travail. Oui, la tête et la queue… la véritable connaissance est le résultat de la jonction de la tête et de la queue.
Le malheur des humains, c’est qu’ils cherchent toujours à se connaître à travers les autres. L’homme cherche toujours une femme, et la femme un homme, pour se fusionner, c’est pourquoi ils n’arrivent pas à se trouver : parce qu’à l’extérieur on ne se trouve pas, et les forces sont perdues, gâchées. On ne se trouve jamais à travers quelqu’un d’autre, ce sont des efforts inutiles. Bien sûr, il y a quelques petites sensations, quelques petites satisfactions, mais tout de suite après on s’éloigne, on est de nouveau séparé, et même tellement séparé qu’on commence à se bagarrer. On veut se souder, s’unir, mais rien à faire ! C’est toujours deux personnes séparées, deux personnes différentes. On ne se retrouve que lorsqu’on cesse de se chercher au-dehors, à travers les autres, pour se chercher au-dedans et réaliser le symbole du serpent qui se mord la queue. Alors les forces s’accumulent, la lumière augmente et on est dans la plénitude. Mais ce n’est encore là qu’un aspect.
Je ne vous dirai rien de plus à ce sujet, si ce n’est que l’autre côté… disons, du serpent, est polarisé différemment. Si vous êtes un homme, l’autre côté est un principe féminin, et si vous êtes une femme, c’est un principe masculin. C’est pourquoi leur jonction produit la plénitude. Tandis qu’on n’est jamais sûr qu’un homme et une femme distincts soient véritablement complémentaires. Si vous êtes un homme, bien sûr, une femme a l’air d’être l’autre pôle, mais elle peut être un homme déguisé… et sa rencontre avec vous produit des étincelles ! Et l’inverse est aussi vrai. Tandis que l’autre partie de vous-même est absolument complémentaire, et la fusion que vous réalisez avec elle est la seule véritable. Bien sûr, il est possible de trouver à l’extérieur votre être complémentaire, mais c’est très rare. Cela n’arrive que si vous rencontrez votre âme sœur, car seule votre âme sœur est parfaitement polarisée avec vous. Oui, mais l’homme ne la rencontre que douze fois au cours de son évolution ! Si ce n’est pas avec votre âme sœur que vous vous fusionnez, soyez certains que cette fusion ne durera pas longtemps.
Pour en revenir à l’âme, l’essentiel à retenir, c’est qu’elle est une puissance formidable, capable d’agir sur la matière pour la projeter vers le Ciel, et d’attirer le Ciel pour le réaliser sur la terre. Nous avons besoin de notre âme pour façonner la matière, soit pour la rendre plus subtile, soit pour la condenser. Ces deux opérations sont appelées par les alchimistes solve et coagula, et seule l’âme est capable de les réaliser. Ni l’esprit ni le corps ne le peuvent, mais l’âme, oui.
Si on cherche maintenant les correspondances de cette division corps, âme, esprit avec le corps humain, on trouvera que l’esprit correspond à la tête, le corps à la région du ventre et de l’estomac, et l’âme correspond aux deux bras. C’est très intéressant, car l’âme a deux fonctions : l’une qui condense les choses, et l’autre qui les subtilise ; une partie qui les projette vers le haut, et une partie qui les attire vers le bas. Ces deux processus sont aussi représentés par la lettre hébraïque Aleph נ. Aleph est le résumé de toute une science concernant l’activité de l’âme. L’âme est l’intermédiaire entre le ciel et la terre : elle dirige vers le ciel les courants de la terre et attire sur la terre les courants du ciel.
L’âme est donc polarisée ; elle est faite de deux courants qui, dans le corps physique, sont représentés par les deux mains. L’esprit dirige, il ordonne, il éclaire, mais il ne peut pas atteindre la matière. C’est l’âme qui, à travers les mains, travaille sur la matière, la façonne, la dissout, la condense, la chauffe, la cristallise. Évidemment, dire que l’âme se manifeste à travers les bras et les mains est une manière inattendue de présenter les choses. On pense généralement que l’âme se manifeste à travers les yeux. Oui, bien sûr, parce qu’elle peut se manifester partout. Mais symboliquement, la tête avec le cerveau, les yeux, etc., c’est plutôt la région de l’esprit ; l’âme a un logement là aussi, bien sûr, elle a des logements en haut et en bas, mais sa région n’est pas la tête, ce sont les mains. L’esprit éclaire, dirige, ordonne, mais s’il n’y avait pas les mains, il n’y aurait aucune réalisation dans la matière. L’homme fait tout par les mains, par l’âme.
C’est dans l’âme que se trouvent les deux courants magiques de l’amour et de la haine, et ces deux courants s’expriment aussi par les mains. Dans la Kabbale, ces deux courants sont représentés par le pilier de la clémence et celui de la rigueur. Mais attention, la rigueur, ce n’est pas la haine, car dans l’Arbre séphirotique il y a une place pour la justice, pour la rigueur, mais pas pour la haine. D’après les kabbalistes, aux dix séphirot de l’Arbre de Vie, qui sont une représentation du monde divin, s’opposent dix autres séphirot, qui sont comme leur projection renversée et qui représentent donc le monde infernal. C’est dans cet arbre renversé que se trouve la haine : à Guebourah, qui est la justice, s’oppose ainsi la région de la cruauté, de la haine. Et ainsi de suite pour les autres, mais je ne veux pas entrer dans les détails.
Quand Jacob a vu cette échelle lumineuse le long de laquelle les anges montaient et descendaient, il était dans la région du plan astral et du plan mental. Ces deux courants — les anges qui montent et descendent, donc la circulation veineuse et artérielle de l’univers — c’est cela, l’âme. C’est pourquoi le cœur et les poumons sont placés entre la tête et le ventre, dans cette région intermédiaire qui correspond à l’âme. Et les bras, ce sont les manifestations de l’âme dans une direction ou dans une autre. Vous voyez, les bras sortent de la région de l’âme. L’intelligence suprême a tout créé d’après des correspondances inouïes.
Oui, les bras appartiennent à la région de l’âme, c’est très clair. Et les yeux, les oreilles, la bouche, le nez ne sont pas placés sous les pieds, mais en haut, dans la région de l’esprit, pour observer les choses, les entendre, les goûter, les comprendre. Là aussi, c’est trop clair, et c’est ce qu’il faut expliquer aux enfants. Jamais on ne leur explique pourquoi le corps est construit de telle ou telle manière, et pourquoi les yeux sont à telle place, les jambes à telle autre… Cela pourrait pourtant les éclairer et les aider plus tard à résoudre tellement de problèmes ! Voilà ce que les instituteurs devraient apprendre aux enfants !… Évidemment, si un inspecteur arrive juste à ce moment-là, ce genre de leçons ne lui paraîtra peut-être pas très… « catholique », mais pourquoi enseigne-t-on tant de choses dans les écoles, et jamais l’essentiel ?
Évidemment, tout ce que je vous dis là reste très théorique. Pour savoir ce qu’est l’âme, il faut aller la voir… Oui, quoi qu’on dise, on ne peut pas tellement expliquer ce qu’est l’âme, il faut la voir. Est-ce qu’on peut voir l’âme ? Bien sûr, c’est possible, parce qu’elle est matérielle, d’une matière tellement légère, ténue, subtile, qu’elle passe pour quelque chose d’invisible. Mais en réalité, on peut voir l’âme. Vous direz : « Oh ! Racontez-nous comment elle est… Elle a des contours ? » Oui, elle a des contours, et en même temps elle n’a pas de contours. C’est une matière très fluide, qui bouge, qui respire, et qui est tellement vivante, tellement changeante, qu’elle prend toutes les couleurs, toutes les formes. Et quand on peut voir les âmes, on peut les classer. On voit que telle personne, malgré ses bijoux, ses fanfreluches, ses décorations ou ses maquillages, a une âme terne, horrible ; et telle autre, malgré ses guenilles et ses vêtements déchirés, quelle lumière, quelle expression, quelle beauté !…
L’âme est une réalité, mes chers frères et sœurs, bien que les contemporains qui étudient la psychologie, c’est-à-dire « la science de l’âme », ne croient pas à l’âme ! Oui, c’est une psychologie qui se fait sans l’âme, c’est cela qui est le plus drôle. Et en réalité, est-ce qu’ils sont dans le vrai ? Oui. Vous direz que je me contredis… Non, il faut me comprendre : tout est vrai, mais il faut chercher de quelle façon c’est vrai. Si pour vous une chose est vraie, ça suffit. Si vous dites : « Il n’y a pas de Dieu », c’est vrai : en vous, il n’y a pas de Dieu puisque vous dites qu’il n’existe pas. Si vous dites aussi : « Je ne crois pas à l’âme », eh bien, c’est vrai aussi : vous êtes sans âme, parce que si vous en aviez une, vous la sentiriez. Du moment que vous la niez, c’est que vous n’en avez pas. Tout est toujours vrai : l’existence et la non-existence, cela dépend seulement de quel point de vue vous vous placez.
Jésus a parlé exactement dans ce sens. Il a dit : « Qu’il te soit fait d’après ta foi ! » Tout est là. Si vous croyez que vous êtes persécutés par des brigands, il n’y a pas de doute, vous êtes persécutés par des brigands ; et même si vous ne les voyez pas, les brigands sont en dedans. Si vous croyez que vous parlez avec les esprits, c’est aussi vrai ; mais quel est le degré d’élévation de ces esprits, ça, c’est une autre question… Parce qu’il existe certaines catégories d’esprits qui aiment beaucoup tromper les humains. Cela vous étonne ? Eh non, il ne faut pas être étonnés. Il existe des esprits des ténèbres qui s’amusent beaucoup à jouer des tours aux humains. Le monde entier fréquente les esprits, leur parle, a des commerces avec eux, seulement il faut savoir de quels esprits il s’agit.
Tout ce que je vous explique est contenu dans la lettre Aleph, la première lettre de l’alphabet hébraïque. Mais cela devient encore plus significatif quand on se rappelle que le Christ a dit : « Je suis l’Alpha et l’Oméga », c’est-à-dire Aleph et Tav. Je suis Aleph, cela veut dire : « Je suis celui qui fait passer les éléments de la terre au Ciel et du Ciel à la terre… Je fais descendre les bénédictions du Ciel et je fais monter les âmes. Pour atteindre le Ciel, c’est par moi que vous devez passer. » Pourquoi n’a-t-on pas appris à ajuster les choses, à faire des rapprochements entre les divers passages d’un texte pour comprendre exactement ce qu’ils signifient ?
Tout est dit dans la Bible, mais les explications sont éparpillées. Dans l’Apocalypse, par exemple, il y a toutes sortes d’images, mais elles ne sont pas placées dans l’ordre, comme on l’imagine ordinairement. Certaines sont au vingt-et-unième chapitre alors qu’elles correspondent au premier chapitre, ou inversement. Exactement comme des cartes que l’on aurait jetées au hasard. Et l’initié prend ces cartes, les replace dans l’ordre et lit. Plus tard, il y aura des lectures avec ces cartes. On vous apprendra aussi comment on peut lire les nombres ; on leur donnera leur signification et vous verrez tout ce qu’ils pourront vous révéler. Et pour les mots ou les phrases qui n’ont en apparence aucune relation les uns avec les autres, vous verrez aussi que, si on les rapproche, chacun explique l’autre et que cela donne un ensemble formidablement logique.
Dans la nature, comme dans les Livres sacrés, tout est éparpillé et il faut relier les choses entre elles pour les lire. Vous direz : « Mais comment ?… » Il y a dans l’homme un être qui sait tout, qui peut tout, qui voit tout, mais l’homme le néglige, il se sépare de lui, il ne veut pas s’identifier à lui. Cette identification, bien sûr, il faut du temps pour la réaliser, elle ne se fait pas d’un seul coup. Jésus ne s’est pas identifié d’un seul coup avec son Moi supérieur ; il avait trente ans quand le Saint-Esprit est descendu sur lui sous la forme d’une colombe. Vous direz : « Oui, mais pourquoi pour Jésus, c’était à trente ans… et nous, à quatre-vingt-dix ans, ce n’est pas encore arrivé ! » Pour vous consoler, je vous dirai qu’il n’y a pas de différence entre Jésus et vous (ne me comprenez pas de travers !) mais que Jésus, lui, avait reçu une mission qui était en accord avec les événements cosmiques. Il fallait qu’il se manifeste à ce moment-là, donc, pour lui, tout a été accéléré. Et pour d’autres aussi, mais souvent ils sont morts très jeunes. Oui, il y a eu des génies, de grands génies qui, à dix-huit ans, avaient déjà créé des chefs-d’œuvre immortels, mais ils ne vivaient jamais longtemps. On rencontre des exceptions, bien sûr ; de grands génies qui sont morts très vieux, mais le plus souvent, dans la vie ordinaire, ce sont les mauvaises herbes qui restent plus longtemps parce qu’elles sont bien accrochées à la terre ! Regardez les avares ou les égoïstes : ils vivent très vieux parce qu’ils ne veulent pas partir ; ils s’agrippent à la terre, ils la sucent, et alors le monde invisible dit : « Bon, laissons-les encore un peu, parce que, s’ils viennent chez nous, nous devrons nous boucher le nez et les oreilles… Au moins, tant qu’ils sont loin, ils ne nous embêtent pas. » Et on les retient un peu plus longtemps sur la terre. Tandis que ceux qui sont merveilleux, le Ciel est pressé de les inviter, c’est pourquoi tous les êtres angéliques s’en vont vite.
Mais ne me comprenez pas mal. Je ne veux pas dire que tous ceux qui meurent jeunes sont des anges et tous les vieillards de mauvaises herbes ! Non, il y a des êtres qui resteront peut-être des siècles pour finir leur travail sur la terre. Vous direz : « Mais est-ce possible de vivre quelques siècles ? » Oui, Mathusalem, par exemple, a vécu presque dix siècles… Et Babadji, on ne sait même pas quel âge il a. Et si quelques créatures ont vécu ou vivent encore si longtemps, c’est que toutes les créatures ont cette possibilité. Seulement voilà, elles n’en profitent pas, parce qu’il y a quelque chose qui supprime cette possibilité. Il n’a jamais été décrété que la vie d’un homme ne doive pas dépasser quatre-vingts, quatre-vingt-dix ou cent ans. Elle peut durer des milliers d’années : l’homme est une machine très perfectionnée, préparée pour résister longtemps. Si elle s’arrête avant, c’est parce qu’on l’a démolie et que plus rien ne fonctionne. Mais si on la nettoie, si on enlève tous les déchets, de nouveau les courants circulent. Et c’est l’âme justement qui a la propriété d’animer le corps. En entrant dans le corps, en le pénétrant, elle lui donne le sang, c’est-à-dire elle déclenche la circulation des énergies. Et quand elle s’en va, tout s’arrête. Pourtant, il ne faut pas confondre l’âme avec le souffle vital, ce sont deux entités différentes, bien qu’il y ait des relations entre elles.
On peut donner beaucoup de définitions de l’âme, mais ce qui l’explique le mieux, c’est l’image du tronc d’arbre, ou de l’échelle de Jacob. Ensuite, vous pouvez dire tout ce que vous voulez : que c’est une électricité, un fluide, une émanation, un magnétisme, une chaleur… Il y aura toujours quelque chose de vrai, mais aucun de ces termes n’indiquera la fonction essentielle de l’âme, qui est de servir d’intermédiaire. Je peux même, si vous voulez, comparer l’âme à des pinces… oui, à ces pincettes avec lesquelles on remue les charbons dans le feu. Vous direz : « Mais comment ? Vous rabaissez l’âme ! » Pas tellement. L’âme, ce sont les pinces vivantes avec lesquelles vous touchez le feu sans vous brûler : donc, un instrument, un intermédiaire.
Maintenant, je vous montrerai de nouveau comment je me sers de la clef de l’analogie pour tirer des conclusions. Étant donné que toutes choses sont faites d’après les mêmes principes – avec seulement quelques petites modifications –, on retrouve partout cette même division en trois : forme, contenu, sens, ou bien corps, âme, esprit. Prenez un œuf, oui, un œuf, et il vous expliquera tout. Il vous dira : « Mon vieux, je suis fait d’après les lois universelles, je suis construit comme l’univers, mais en réduction, en petit. Ouvre-moi. Que vois-tu ? Le jaune qui contient le germe de la vie ; le blanc, c’est-à-dire l’albumine ; puis la coquille. Je suis fait à l’image de l’univers, et toi tu me ressembles. » (Bien sûr, au lieu de dire que l’œuf ressemble à l’homme, il dit que l’homme ressemble à l’œuf. Regardez-moi le toupet de cet œuf !) Le jaune, c’est l’esprit ; le blanc, c’est l’âme ; la coquille, c’est le corps. Vous voyez, il a raison, l’œuf. Donc, le germe est au centre ; le blanc, au milieu ; et la coquille, à la périphérie. La cellule aussi est construite d’après le même schéma : toutes les cellules comportent le noyau, le cytoplasme et la membrane. Et quand la coquille d’un œuf se casse, que se passe-t-il ? Tout se déverse et la vie s’en va. Comme la coquille, le corps sert à protéger la vie, c’est-à-dire l’âme et l’esprit. Quand le corps est brisé, la vie s’en va, l’âme et l’esprit le quittent.
Et maintenant, qu’est-ce que l’âme ? Comme le blanc de l’œuf, l’âme est porteuse de tous les éléments nutritifs nécessaires au maintien de la vie. Mais la vie, elle, vient de l’esprit : le germe ne se trouve pas dans le blanc, il se trouve dans le jaune. De la même manière, la vie, la vraie vie se trouve dans l’esprit, et l’âme la nourrit, la maintient, la soutient et la fait circuler. Comment j’ai su cela ? Parce que c’est évident, c’est là, devant nous, c’est la nature qui a tout étalé sous nos yeux !… C’est la même chose avec les grains de raisin. Dans le pépin, comme dans le noyau de la cellule, se trouve le germe de la vie ; tout autour, c’est l’âme, et la peau, c’est le corps physique. Alors, quand vous mangez, vous mangez toujours la vie qui est dans l’âme, mais qui vient de beaucoup plus loin, de l’esprit. Et que faites-vous du noyau ? Vous ne le mangez pas, vous le plantez. Voilà l’amour, la sagesse et la vérité : la vérité est dans le noyau ; l’amour, c’est ce que l’on mange ; et la sagesse, c’est ce qui enveloppe. Oui, la sagesse, c’est tout ce qui est inscrit à l’extérieur, la forme. L’amour, c’est ce que l’on mange, la vie. Et la vérité, c’est ce que l’on plante pour que la vie continue. Voyez combien c’est clair ! Là aussi il y a un esprit, une âme et un corps.
Ce que je ne vous ai pas encore dit, c’est que, malgré leur différence, l’esprit, l’âme et le corps sont de la même essence. Ce qui diffère, c’est la consistance, le degré de matérialisation : le corps, c’est l’esprit condensé ; l’esprit, c’est le corps subtilisé ; et l’âme est intermédiaire entre les deux. Mais demandons de nouveau à la nature de nous dire où nous pouvons encore trouver le corps, l’âme et l’esprit. Elle nous répondra : dans les quatre éléments. Où est le corps ? C’est la terre. Où est l’âme ? C’est l’eau et l’air. Où est l’esprit ? C’est le feu. Et pourquoi deux éléments pour l’âme ? Je vous l’ai déjà dit, l’âme est double et relie les deux autres parties, le corps et l’esprit. De la même façon, l’eau communique avec la terre, et l’air avec le feu. L’eau nourrit la terre, et l’air nourrit le feu. L’eau et l’air, c’est donc l’âme qui nourrit la terre et le feu. Et toutes les circulations sont là : l’eau monte et descend, et l’air aussi.
Comme je vous l’ai déjà dit, l’âme est faite du corps astral et du corps mental, et elle est traversée par deux courants, l’un qui est le sentiment, et l’autre qui est la pensée. C’est l’eau qui est le sentiment et l’air qui est la pensée ; ils circulent entre la terre et le feu, et l’air nourrit le feu parce que le feu s’éteint sans l’air, et l’eau nourrit la terre parce que la terre devient stérile sans eau. Voilà donc ici une autre division : en 4. Mais je sens que le 4 vous rebute. Vous dites : « Mais il y a 3 ! Pourquoi maintenant y a-t-il 4 ? Ça ne colle pas !… » Si, « ça colle » très bien. Dans la nature, l’âme est représentée par l’air et l’eau qui montent et descendent comme elle. Est-ce que la terre monte et descend ?…
Maintenant, prenons le cas de l’eau. On peut la trouver à l’état solide, la glace, ou bien à l’état liquide, ou bien à l’état gazeux, la vapeur. C’est toujours de l’eau, c’est toujours la même substance, mais à l’état plus ou moins subtil. C’est la même substance, mais une fois elle est très refroidie, alors elle est dure ; une autre fois elle est moins refroidie, et elle est liquide ; et quand on la chauffe, elle devient vapeur. La glace est solide, mais ce n’est qu’une forme, une apparence ; en réalité, elle est beaucoup plus subtile puisqu’elle peut redevenir liquide ou vapeur. Donc, de la même façon, le corps, l’âme et l’esprit sont une même substance, mais à l’état plus ou moins condensé ou subtil.
C’est pourquoi les alchimistes enseignent qu’il n’existe qu’une matière unique et que de cette matière, par des degrés de condensation différents, ont été produits les métaux, les cristaux, les fleurs, la chair des animaux, des humains, l’air, le feu, etc… Combien ils ont vu juste ! Alors, qu’est-ce que le corps physique ? C’est l’esprit condensé. Et qu’est-ce que l’esprit ? C’est de la matière diluée, subtilisée jusqu’à l’état éthérique. C’est pourquoi les alchimistes disent aussi que par solve et coagula toutes les opérations sont possibles. Et comment ? Par la chaleur. C’est la chaleur, à un degré plus ou moins élevé, qui agit sur la matière pour lui donner différentes formes, différentes consistances. Le feu est donc l’agent magique qui donne à chaque chose sa forme et sa nature ; l’or possède une certaine quantité de chaleur, l’argent une autre, le plomb encore une autre, etc. Si l’adepte trouve ce feu, cet agent magique, il peut transmuter le plomb, l’argent ou le fer en or, ou inversement transformer l’or en fer, etc… Seulement, bien sûr, ce feu des alchimistes n’était pas le feu des souffleurs et des forgerons, mais le feu subtil, le feu caché, le feu philosophique.
Est-ce que vous voyez maintenant plus clairement ce qu’est l’âme ? C’est le trait d’union, la vie que vous buvez, que vous mangez. Oui, cet espace entre le jaune d’œuf et la coquille, entre le centre du cercle et sa périphérie, tout cet espace, c’est cela l’âme. L’esprit est un point presque imperceptible tandis que l’âme est une immensité car, pour pouvoir nourrir l’esprit, l’âme doit être immense. L’esprit a faim et il mange l’âme, et il faut que l’âme soit infinie pour le satisfaire. Mais, vous voyez, bien que l’âme le nourrisse, l’esprit reste toujours un point, sa taille n’augmente pas.
Prenez une bougie, elle vous expliquera tout. Quand vous allumez une bougie, vous avez devant vous les quatre éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu, et les trois principes : corps, âme et esprit. Le corps, la terre, c’est la bougie ; l’âme, c’est l’eau et l’air (l’eau, la cire en train de fondre, et l’air qui nourrit la flamme), et l’esprit, c’est le feu. Pour que la flamme subsiste, il faut qu’elle se nourrisse… Mais, comme on ne peut se nourrir qu’aux dépens d’autres matériaux, la bougie diminue parce que la flamme la dévore. L’âme est ce qui alimente la flamme, et dans la bougie, l’âme est représentée par l’eau, la cire qui fond (car si elle ne fondait pas, la flamme ne pourrait pas s’en nourrir), et l’air sans lequel la flamme s’éteindrait aussi. L’âme nourrit l’esprit, la flamme, et cette flamme, qui est toujours droite, a l’apparence du yod, la dixième lettre de l’alphabet hébraïque qui est un symbole de l’esprit.
Et quand on dit de quelqu’un qu’il « brûle sa chandelle par les deux bouts », qu’est-ce que cela signifie ? Qu’il n’est pas raisonnable, qu’il s’abandonne trop à ses sentiments, à ses émotions et à ses passions ; il brûle, il brûle et il gâche les réserves du corps physique, sa chandelle.
On peut trouver tellement de définitions pour l’âme que cela finirait par être ridicule. Mais en voici encore une autre, par exemple : l’âme est un dépôt alimentaire, oui, un grand dépôt alimentaire. Vous direz : « Mais ce n’est pas religieux comme définition, ce n’est pas mystique ! » C’est possible, mais c’est la réalité. Tout se tient, tout est clair, rien ne se contredit. Et ne dites pas que puisque la bougie a telle apparence et l’œuf telle autre, il n’y a aucun rapport. C’est le même principe sous différentes formes et avec des combinaisons et des applications différentes. Dieu s’est amusé à faire d’une seule chose des adaptations multiples. C’est ce que dit Hermès Trismégiste dans la Table d’Émeraude : « Et comme toutes les choses sont Un et proviennent d’Un, par la médiation d’Un, ainsi toutes les choses sont nées de cette chose unique par adaptation. »
D’après le schéma que je vous ai donné tout à l’heure, le corps éthérique appartient au plan physique. Le corps éthérique, c’est encore le corps physique, mais c’est sa partie la plus subtile, comme de fines particules de poussière qui flottent, comme une vapeur, des émanations formant autour de lui une sorte d’atmosphère qui l’accompagne. Le corps éthérique fait partie du corps physique, c’est la vapeur du corps physique, si vous voulez, mais ce n’est pas encore l’âme. L’âme vient après le corps éthérique, c’est la région où commencent les sentiments et les pensées. Et l’esprit ? C’est une répétition de l’âme dans un plan supérieur.
L’esprit, c’est aussi la région des pensées et des sentiments, mais des pensées et des sentiments de la plus grande pureté, de la plus grande lumière. Dans l’esprit, il n’y a plus rien d’impur, d’inférieur, alors que dans l’âme il peut y avoir de bonnes mais aussi de mauvaises choses. Voilà encore un point qui n’est pas clair dans la philosophie. Et dans la langue courante, c’est bien pire ! On emploie le mot « esprit » n’importe comment. On dit : « Mauvais esprit, esprit malin, esprit rusé »… Mais non, ce n’est pas l’esprit qui est malin ou rusé, c’est l’intellect, ou bien l’âme ; parce que l’âme contient à la fois le bon et le mauvais côté : comme elle est intermédiaire entre le corps et l’esprit, une moitié est obscurcie par le corps physique et l’autre moitié est purifiée par l’esprit. Donc, toutes ces expressions que l’on entend ne sont pas correctes, elles ne sont pas fondées sur une connaissance réelle. L’esprit ne peut jamais contenir quoi que ce soit de mauvais ou de malpropre, sinon il n’est plus l’esprit. Le noyau est le dépositaire de la vie et il doit être dans un état de pureté parfaite. Donc, l’esprit, l’esprit qui vient de Dieu est absolument pur et lumineux. Il ne faut pas tout confondre.
Et, vous voyez, la flamme déjà est un langage. Que fait-elle ? Elle brûle toutes les impuretés car il n’y a aucune impureté dans le feu, et il ne supporte que ce qui est aussi pur que lui. Tandis que l’eau et l’air peuvent être pollués. Et je pense à de l’eau que j’ai vue quand j’ai voyagé en Inde… Vous direz : « Ah oui, le Gange ? » Non, il y a pire que le Gange. Tout près de Bombay se trouve une île qui s’appelle Elephanta. Cette île est célèbre à cause de ses temples creusés dans les rochers ; ce sont des sortes de grottes qui contiennent des statues colossales de divinités : Brahma, Vishnou, Shiva, etc… Je suis allé dans cette île, c’est un lieu de pèlerinage, mais comme dans beaucoup d’endroits religieux de l’Inde, il y a un vacarme épouvantable. À côté de ces grottes se trouve un bassin. Étant donné que chaque temple est considéré comme un microcosme, reflet du macrocosme, chacun, en principe, possède un bassin qui symbolise l’océan. Mais l’eau de ce bassin était stagnante, sale, verdâtre déjà, et j’étais stupéfait de voir de nombreux hindous boire de cette eau. Comme on ne leur a jamais parlé des microbes, pour eux, évidemment, les microbes n’existent pas, et ils meurent ensuite sans même savoir pourquoi. Ils boivent de cette eau pour recevoir certaines influences, je veux bien… Une eau imprégnée de l’atmosphère mystique d’un lieu sacré peut être dans certains cas sanctifiée, mais quand même, les lois physiques existent et il ne faut pas les négliger. Une eau tellement polluée a des effets nocifs, même sur ceux qui croient à son pouvoir spirituel.
Alors, vous voyez, l’eau et l’air acceptent les impuretés, le feu seul ne les accepte pas, il les brûle. Tandis que la terre, elle, les absorbe toutes, c’est sa propriété, elle est comme un aimant qui attire tout ce qui est sale et impur pour le transformer ensuite dans ses laboratoires. C’est pourquoi, quand vous sentez un trouble, une agitation, une angoisse, donnez-les à la terre. Creusez un petit trou, mettez-y vos doigts et parlez à la terre comme à un être intelligent en lui demandant de prendre tout ce qui vous tourmente. Croyez-moi, elle ne se sentira ni malheureuse ni vexée, elle prendra tout, et vous, vous serez soulagé, libéré. Dans le passé, on connaissait toutes ces choses, mais maintenant elles sont perdues… Quand vous sentez un tourment, une souffrance, donnez-les à la terre, elle vous les prendra.
L’eau aussi reçoit les impuretés, c’est pourquoi souvent quand on prend un bain ou une douche, on est soulagé d’un seul coup ; mais on ne se demande même pas pourquoi car on fait toujours tout automatiquement. Même l’air possède cette propriété. Quand ça ne va pas, sortez prendre l’air, vous sentirez que le vent vous enlève vos fardeaux. Mais pour que ces méthodes soient vraiment efficaces, il faut que vous fassiez ces exercices consciemment.
Est-ce que vous sentez que vous avez maintenant sur l’âme des notions plus claires ? Moi, je peux encore continuer à vous parler pendant des heures !… L’âme, l’esprit, le corps, on les retrouve partout sous des combinaisons différentes, mais les correspondances, les rôles, les applications sont absolument les mêmes. Bon, vous voulez savoir encore où sont le corps, l’âme et l’esprit ? Eh bien, regardez : les femmes ont toujours sur elles de petits flacons de parfum, n’est-ce pas, qu’elles ouvrent de temps en temps, surtout quand elles doivent aller à un rendez-vous avec leur bien-aimé. Alors le flacon, c’est le corps ; le liquide, c’est l’âme ; et cette émanation, ce parfum, c’est l’esprit. Le liquide nourrit le parfum ; quand il n’y a plus de liquide, il n’y a plus de parfum, il ne reste que la bouteille et comme on n’apprécie jamais une bouteille vide, on la jette. De même, quand un homme est mort, on l’enterre ; quand il n’y a plus d’âme ni d’esprit, quand il ne reste que le corps, on dit : « Enterrez-le ! » Et pourquoi ferme-t-on le flacon, et même hermétiquement ? Parce que si le flacon est ouvert, le parfum s’en va. L’esprit est très volatil, il se sent emprisonné dans le flacon et il n’aime pas être privé de sa liberté, il veut toujours retourner vers sa patrie, vers la Source. C’est pourquoi, pour le retenir, il faut lui donner de la nourriture, c’est-à-dire l’âme, et ensuite l’enfermer hermétiquement. Est-ce que c’est clair maintenant ?
Lorsque l’on mange, la partie la plus grossière de la nourriture est pour le corps, pour former et consolider sa charpente. Ensuite l’âme de cette nourriture entre dans le sang pour nourrir le corps. C’est toujours le même principe : c’est le sang qui nourrit, c’est-à-dire le liquide, l’âme. Et l’esprit, où est l’esprit ? Dans le système nerveux. Le système digestif, le système circulatoire et respiratoire, le système nerveux, voilà encore le corps, l’âme et l’esprit. Et c’est le sang qui nourrit, qui alimente ; il nourrit même les nerfs. C’est pourquoi quand l’homme purifie son corps et qu’il purifie aussi son sang, c’est-à-dire son âme, l’activité de l’esprit devient très intense et il se manifeste de façon formidable. Vous voyez, tout se tient. Et ensuite on se demande pourquoi on n’a rien vu, alors que tout était chaque jour découvert devant nous.
Maintenant j’ajouterai ceci qui vous aidera à trouver une méthode de travail : lorsque les Initiés vous font des révélations, ils font comme la nature, ils ne vous donnent que la moitié, et c’est à vous de trouver l’autre moitié. Vous avez lu Le Comte de Monte-Cristo… Il y a là, vous vous en souvenez, une lettre qui révèle le secret du trésor, mais il manque une moitié de cette lettre, et le héros doit la chercher pour connaître ce secret. Tout est ainsi dans la vie. Et pourquoi croyez-vous qu’on cherche « sa moitié » ? C’est l’autre moitié de la lettre déchirée ; on la cherche pour pouvoir lire, enfin ! Tout simplement. Chacun est la moitié de la page qui révèle le secret et doit trouver l’autre moitié.
Quand il est dit : « Au commencement était la Parole », ce n’est aussi que la moitié. Où est l’autre moitié ? C’est vous qui devez trouver. L’autre moitié, ce sont les oreilles, parce que la parole n’a aucun sens s’il n’y a pas d’oreilles pour l’entendre. La parole, c’est le principe masculin, émissif, et il faut sous-entendre le principe féminin, réceptif, les oreilles ; si la parole ne tombe pas quelque part dans des oreilles pour être entendue, appréciée et comprise, elle est inutile. Et quand on parle d’une clef, même si on ne mentionne pas la serrure, elle est sous-entendue. Vous voyez comment sont les choses… Et il faut aussi toujours un Initié pour vous donner l’autre moitié, sinon ce que vous possédez ne sera jamais complet.
Est-ce que vous sentez maintenant que les choses commencent à s’ordonner dans votre tête ? Oui, vous sentez ? Eh bien, c’est l’essentiel ! Tous les jours vous devez justement travailler pour que, dans votre compréhension, chaque chose retrouve sa place véritable.
Sèvres, avril 1962













