Texte d’Alain de Benoist, La Lettre de Magazine-Hebdo, 31 mai 1991
Depuis quelques mois, la France vit à l’heure des « affaires » et des scandales financiers. Au moins ceux-ci n’avaient-ils jusqu’à présent pas entraîné de mort d’homme. Tel n’est pas le cas de l’étrange affaire Doucé, qui ouvre sur les coulisses du régime en place des aperçus véritablement vertigineux. Les faits sont connus, mais on peut les rappeler.
En 1976, Joseph Doucé, pasteur baptiste, né en Belgique mais de nationalité française, ouvre à Paris une association intitulée Centre du Christ libérateur. Le pasteur, qui ne se cache pas d’être homosexuel, entend s’y consacrer au soutien des « minorités sexuelles ». Ce genre d’officine retient généralement l’attention de la police. Le CCL ne fait pas exception. En juillet dernier, des hommes se présentant comme des policiers interpellent Doucé et lui demandent de les suivre. On ne le reverra plus. Quelques mois plus tard, son cadavre est retrouvé en forêt de Fontainebleau. Une enquête est ouverte.
Elle aboutit à la mise en cause d’un inspecteur des Renseignements généraux, Jean-Marc Dufourg. Celui-ci est interrogé, puis destitué. Mais il n’est pas inculpé de meurtre. Mieux, il se défend comme un beau diable. Il finit même par publier un livre, Section Manipulation (éd. Michel Lafont), dans lequel il apporte des révélations inquiétantes sur les missions dont on l’a chargé dans le passé. Dufourg prétend que dans l’affaire Doucé on a cherché à faire de lui un bouc émissaire, que le pasteur a été tué par une autre équipe de policiers que la sienne et que cette équipe agissait sur l’ordre, soit du ministre de l’Intérieur, soit du cabinet de l’Elysée, soit des deux. Il donne des précisions qui semblent confirmer ses dires.
Il ajoute que le pasteur Doucé détenait des documents très compromettants — on parle de films vidéo — sur les mœurs d’un proche de l’Elysée, et que ce dernier, menacé d’un chantage, aurait obtenu des plus hautes autorités de l’Etat l’élimination de l’étrange ecclésiastique. Lors d’une émission de télévision, on lui demande le nom de cette personnalité. Il déclare ne pouvoir le produire, faute de preuves. Là-dessus — c’était il y a quinze jours —, l’hebdomadaire de Jean-Edern Hallier, L’Idiot international, qui compte parmi ses collaborateurs occasionnels l’avocat de Dufourg, Me Jacques Vergès, décide d’aller plus loin. Sur six colonnes à la une, il assure que c’est Pierre Bergé, le directeur de l’Opéra-Bastille, le mécène de Globe et de SOS-Racisme, qui a commandité l’assassinat du pasteur Doucé. On en est là.
Qu’en penser ? Sur le fond, il est impossible de se prononcer. Nul n’est tenu de croire l’inspecteur Dufourg. Nul n’est tenu d’ajouter foi aux « révélations » de L’Idiot international. Mais ce dont on peut s’étonner, c’est qu’une accusation d’une telle gravité puisse être portée, que des déclarations d’une telle nature puissent être faites, sans susciter autre chose qu’un extraordinaire silence. On accuse une personnalité éminente d’avoir passé un « contrat » sur la tête du pasteur Doucé. On laisse entendre que cet assassinat a été commis par des policiers avec l’aval de leur hiérarchie. On met en cause le ministère de l’Intérieur et l’Elysée. Bref, on donne à penser que l’Etat français, garant des libertés publiques et du droit, n’hésite pas à faire tuer sur ordre pour des raisons de convenance privée. Et que se passe-t-il ? Rien. Pierre Bergé garde le silence. L’Elysée n’a rien à dire, le ministre de l’Intérieur non plus. Pas le moindre démenti, pas la plus petite protestation. L’inspecteur Dufourg continue à vendre son livre, et il n’y a que L’Idiot international, en proie à des difficultés financières permanentes, qui doit interrompre sa publication. Quant à l’opinion, l’affaire ne la préoccupe apparemment pas le moins du monde. Les accusations de L’Idiot n’ont d’ailleurs été reprises nulle part. Aucun journal, aucune chaîne de radio ou de télévision ne les a même évoquées. On préfère parler d’autre chose. Tout cela ne serait-il qu’une sinistre blague ? On aimerait le savoir. Mais si ce n’était pas le cas ? A y bien réfléchir, on a froid dans le dos.
Interview du pasteur Joseph DOUCE à propos du procès que font des organisations homosexuelles contre l’évêque de Strasbourg, Léon ELCHINGER. Pour le pasteur DOUCE, le nouveau testament n’a jamais condamné l’homosexualité. Les prêtres et pasteurs homosexuels ne devraient pas avoir honte de l’affirmer.

