De la liberté de l’âme – Comprendre le paganisme /3

Dans cette nouvelle série d’articles, nous allons déterrer et publier de nombreux articles traitant du paganisme, trop mal connu et caricaturé.


Extrait de Gilbert Sincyr, Le Paganisme, recours spirituel et identitaire de l’Europe, 2018

De la liberté de l’âme

Un mot défini ce qui sépare ceux qui plaisent à Dieu de ceux qu’il condamne, et ce mot c’est le « mal ». Ah, voilà le noeud gordien, voilà le centre de l’affaire, LE MAL! Toute la théologie de l’Église est bâtie sur l’opposition entre le Bien et le Mal. À croire que toute la vie, n’oscille qu’entre ces deux notions.

Pour le christianisme, Satan est le grand pourvoyeur du mal. C’est lui qui influence l’homme (et la femme par l’intermédiaire du serpent au paradis), de ce fait l’homme risque toujours de penser mal et de faire mal, s’il ne se met pas en vigilance constante contre la tentation qui réveille ses bas instincts, et donc sa nature. Car bien sûr c’est la nature de l’homme qui est en cause, depuis qu’il a croqué la pomme.

Dieu a donc donné la liberté à l’homme de choisir entre le Bien et le Mal, et si l’homme choisit le Mal il sera condamné. Je ne rejoindrai pas certains exégètes qui en déduisent que le premier responsable est Dieu, puisque c’est lui qui a donné à l’homme la liberté de choisir. Car évidemment, s’il n’y avait pas de possibilité de choix, il n’y aurait pas de risque d’erreur. Mais les Lois divines n’étant qu’un codicille d’incantations à la soumission permanente, pour une fois que le mot liberté peut apparaître ne le reprochons pas au Parfait. Seulement bien entendu, la balance n’est pas équilibrée.

Toute la nature de l’homme le pousse au péché, et il lui faut en permanence vivre en ascète s’il veut ne pas fauter, ce qui fait dire à Saint Augustin: « Ce qu’il y a de bon en moi est ton œuvre, la grâce, ce qu’il y a de mauvais en moi est ma faute ». C’est de la flagellation morale.

Dans le paganisme, la démarche est toute différente.

Pour le païen les Dieux n’étant pas hors du monde, mais dans le monde, ils partagent la vie des hommes, qualités et défauts compris. Ils sont donc co-responsables avec l’homme de ses erreurs, ce qui permet à ce dernier de se positionner en juge de ses Dieux, s’il les estime coupables de ne pas l’avoir soutenu quand il en avait besoin. C’est ainsi que Clovis peut reprocher à Wotan certaines défaites guerrières, et décider d’en changer pour le Dieu de sa femme s’il lui apporte une prochaine victoire. Ce qui hélas se produisit. Mais cela montre bien que pour le païen, le mal est une variable de la vie, selon le moment, le temps et la situation.

Dans le paganisme, il n’y a pas de péché à priori, il n’y a pas faute selon une loi écrite à l’avance, c’est une question de subjectivité. Ce qui fait dire à Nietzsche dans Par-delà bien et mal : « Il n’y a pas de phénomènes moraux, il n’y a que des interprétations morales des phénomènes. »

Le Bien et le Mal, pour les païens, coexistent donc avec les Dieux, puisque ceux-ci ne sont que la représentation sublimée des hommes. Les Dieux païens ne sont donc jamais ou tout Bien ou tout Mal, car comme l’homme, ils englobent ces deux notions. Ce qui est évidemment une horreur pour les chrétiens !

Pour eux, Dieu ne peut-être que Parfait, de ce fait ce qui est imparfait est donc autre que lui. Dieu ne saurait être accusé, il a toujours raison, et quand on ne comprend pas certaines injustices flagrantes, c’est parce que la volonté de Dieu nous est inaccessible (Comme dirait un pitre bien connu « circulez y a rien à voir »).

Cependant on peut quand même se poser des questions. Par exemple, l’homme a-t-il été créé à l’image de Dieu oui ou non ? Et si oui, alors pourquoi est-il imparfait ? À cause de la faute du paradis? Donc Dieu pouvait fauter? Non évidemment, car l’homme n’était pas Dieu. Alors qu’est-ce que c’est que cette histoire d’image?

Cette rhétorique alambiquée, ne se pose pas pour le paganisme, car pour lui le Bien et le Mal absolus n’existent pas. Il y a un ensemble de choses qui constituent la vie, et qui ne sauraient être un frein à la volonté de l’homme. Chacun peut choisir par quel côté il veut gravir la montagne, le compte sera fait après, et non à priori.

Alors peut-on dire que tout est permis chez le païen ? Évidemment non, car il y a une loi morale qui est l’aune à laquelle tout se mesure, c’est l’Ethique de l’Honneur. Pour le paganisme, l’homme peut toutes les audaces, mais ne doit jamais faillir à l’honneur. Si non il se renie lui-même, et sera abandonné par les hommes et les Dieux.

En maintenant l’homme au rang de créature éternellement redevable envers Dieu, les monothéismes montrent cruellement leurs limites, et laissent l’humanité profondément insatisfaite. C’est un chemin à sens unique qui ne permet que d’exprimer son allégeance envers Dieu, de le remercier sans cesse pour les bienfaits de l’existence, ou de le prier et le supplier en espérant des jours meilleurs grâce à lui.

Quant au mal, c’est de la faute à Satan par son action directe, ou indirecte en ayant influencé l’homme. Mais qui est Satan ? Le dieu du Mal ? Impossible puisque pour eux, il n’y a qu’un seul Dieu. Alors c’est quoi ? C’est qui ? En fait, il s’agit d’un « cache sexe » qui évite de répondre aux questions de fond sur la réalité de Dieu, ou sur les responsabilités humaines, car dans le cas des turpitudes de l’homme il s’agit bien plus d’un problème de morale et de conscience que de religion. Et cela a bien été compris de l’homme moderne, qui a deviné combien il était manipulé par les religions monothéistes, et qui, déstabilisé, c’est perverti dans les totalitarismes, puis dans la société marchande, ne sachant plus vers quel saint élever son esprit. Bien entendu cette fuite vers les aspects rassurants d’un matérialisme de confort n’est pas satisfaisante, car l’homme est un être de raison et de spiritualité. Il a besoin de donner du sens à son existence, et la vacuité matérialiste et utilitariste, ne lui apporte pas de réponse. Alors ?

C’est en retrouvant les valeurs du paganisme, que l’Européen se dégagera du piège monothéiste.

Le paganisme est le chemin qui élève l’âme, sans la soumettre. C’est une libération et non une flagellation. C’est parler de fierté et de responsabilité plutôt que de soumission et de repentir. Pour le païen, élever son âme vers le Divin, c’est lui ouvrir l’espace, c’est la sortir de sa cage, c’est l’emmener vers la sublimation. Le païen est un être enraciné et non un cosmopolite. Il sait qu’il est parent avec les autres peuples, mais il n’est pas leur frère. Il est d’une culture, d’une civilisation, de traditions, d’une terre, d’un climat, d’une végétation qui lui sont propres. Lorsqu’il élève son esprit, c’est dans la conscience de son appartenance à son peuple. Quand il élève son âme, c’est en tant que partie d’un tout spécifique. Le païen est d’abord un héritier, conscient de son héritage, d’où pour lui l’importance de l’honneur et de la responsabilité. Il est le maillon d’une chaîne culturelle, dans laquelle ses ancêtres ont leur place et envers qui il se sent redevable.

Etre païen est une fusion, être chrétien est une dilution. Encore une fois, nous ne sommes pas sur le même chemin.

« Cujus regio, ejus religio. »



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